Mayotte : l’État plus destructeur que les cyclones15/01/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/01/une_2946-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

Mayotte : l’État plus destructeur que les cyclones

Un mois après Chido, Mayotte a subi la nouvelle tempête tropicale, Dikeledi, qui a surtout touché le sud de l’île où des villages ont été inondés et des routes coupées. Ailleurs, les bâches posées après Chido n’ont pas résisté.

Si les cases en tôle reconstruites en urgence n’ont pas été emportées, cette catastrophe s’ajoute à une situation déjà très difficile pour la population.

En effet, l’aide annoncée à grand renfort de communication gouvernementale est introuvable sur le terrain. Les rares distributions étant éloignées des quartiers populaires et n’étant presque jamais annoncées, beaucoup les ratent. L’eau courante reste intermittente car les heures de distribution annoncées par commune, les tours d’eau, ne sont pas respectées. Ainsi, alors que les autorités appelaient à faire des réserves, des quartiers n’ont pas eu accès à l’eau la veille de Dikeledi. De toute façon, cette eau reste impropre à la consommation.

Ceux qui peuvent payer doivent faire le tour des magasins… qui ne sont pas toujours approvisionnés. Quand des packs d’eau arrivent, c’est « premier arrivé, premier servi », sans tenir compte par exemple des familles avec malades. Et s’il est possible de trouver un pack de six bouteilles à 5 ou 6 euros dans les grands supermarchés, cela monte vite à 8 voire 11 euros dans les petites épiceries des quartiers populaires excentrés. Pendant que l’argent coule à grands flots dans les caisses des gros bonnets de la grande distribution, Hayot et Sodifram, des dizaines de milliers d’habitants ne peuvent pas se payer de l’eau potable.

Dans ce contexte de désorganisation et de pénurie, les politiciens locaux ou nationaux cherchent à détourner la colère légitime de la population contre les habitants des bidonvilles. Les plus démunis, présentés à tort comme étant tous des immigrés, sont accusés d’être les seuls bénéficiaires de l’aide : « Tout est pour les bidonvilles » ou bien « Tout pour ceux des centres d’urgence ». Il n’en est évidemment rien.

Les attaques contre les immigrés, déjà courantes avant Chido, se sont encore multipliées. Acheter des tôles pour reconstruire leur maison leur ayant été interdit, ils sont livrés aux profiteurs du marché noir, qui n’hésitent pas à tripler les prix. Les forces de répression, arrivées en masse après Chido, ont recommencé les contrôles et les expulsions. Elles visent les travailleurs sans papiers, embauchés pour les travaux les plus durs de la reconstruction, comme le déblaiement des voies et le ramassage des ordures. À la barge, seul transport en commun entre Grande Terre et Petite Terre, la police de l’air et des frontières contrôle et arrête, entourée des bérets verts de la Légion et d’uniformes divers et variés. Ce n’est évidemment pas cette chasse aux plus pauvres qui permettra de reconstruire les écoles, dont beaucoup sont écroulées, ni de raccorder à l’électricité les nombreux quartiers qui en sont encore privés. Mais c’est le cadet des soucis de l’État, qui distille le poison de la division pour ne pas devoir affronter le mécontentement des travailleurs et de la population.

Cette politique va se renforcer dans les semaines à venir. Fait significatif, le gouvernement a nommé le général Facon, ancien commandant de l’opération Barkhane au Mali, responsable de l’établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte. Comme si Mayotte était une zone de guerre ! De fait, elle est celle de la guerre de l’État contre la population sinistrée.

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