- Accueil
- Lutte ouvrière n°2947
- Morts de la rue : la propriété tue
Leur société
Morts de la rue : la propriété tue
Deux sexagénaires dormant dans la rue sont morts à Marseille dans la nuit du mardi 14 au mercredi 15 janvier. Quelques jours plus tôt, un homme de 38 ans avait été retrouvé mort de froid à Valenciennes. C’est ainsi qu’on peut finir sa vie sur le pavé dans un des pays les plus riches du monde.
En 2018, Emmanuel Macron avait promis un toit à ceux qui sont dans la rue. Ce n’était que vaines paroles d’un président fraîchement élu. Sept ans après, chacun peut constater que celles et ceux qui dorment dehors sont de plus en plus nombreux. Dans les villes et leurs banlieues, ils utilisent le moindre endroit pouvant servir d’abri pour tenter de passer la nuit, utilisant ce qui peut l’être pour se réchauffer un minimum, matelas ou couvertures de fortune. Inévitablement, les plus faibles, les plus âgés y laissent leur vie. Leur liste s’allonge chaque année. Ils étaient 638 en 2022 et 826 en 2023 comme le recense le Collectif des morts de la rue.
Le nombre de ceux qui vivent et parfois meurent dans la rue augmente en même temps que s’accroît la misère générée par la déferlante des mesures dont sont victimes les travailleurs : plans de licenciements, attaques contre les chômeurs et les retraités, destruction des services publics. Pour les plus pauvres, il est souvent devenu impossible de se loger, mais aussi de se nourrir et de se soigner, sauf à s’en remettre aux bénévoles des Restaurants du cœur ou de la Croix rouge.
Les dispositifs d’urgence sont totalement saturés. Une responsable de l’association Interlogement 93, qui relaie en Seine-Saint-Denis les appels des SDF en quête d’hébergement, décrit ainsi dans le journal de la CGT NVO la nuit du 30 octobre dernier : « Sur 2 094 appels que nous avons reçus, nous avons été en mesure d’en décrocher 547. Cela représente 829 personnes demandant une mise à l’abri. Le même jour, l’année dernière, c’était 523. » Parmi les 829 personnes qui sont restées sans solution ce jour-là en Seine-Saint-Denis, 302 enfants mineurs et 71 femmes enceintes. « Ce que l’on vit actuellement, c’est du jamais vu ». Et de conclure que 80 % des hommes seuls du département renoncent à appeler le 115 par découragement.
Le comble est sans doute qu’on meurt de froid au pied de logements vides. Avec cinq millions de mètres carrés inoccupés, les bureaux sont plus vides que jamais en Île-de-France, et il en est de même dans bien des grandes villes de province. C’est le résultat des spéculations ratées des promoteurs de l’immobilier. Rien n’empêcherait de les réquisitionner, de les chauffer, d’y rétablir l’eau et l’électricité quand elles ont été coupées. On pourrait d’ailleurs y ajouter nombre d’autres bâtiments ou logements vides appartenant à de grandes sociétés. Cela sauverait la vie à des centaines de personnes, et serait infiniment plus durable que d’ouvrir en urgence un gymnase municipal quand la liste des morts commence à s’allonger dans une ville. Mais pour cela encore faudrait-il s’affranchir des règles de la sacro-sainte propriété privée.