Nigeria : enlèvements crapuleux et misère sans fond26/11/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/11/une_2991-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C0%2C1271%2C1649_crop_detail.jpg

Dans le monde

Nigeria : enlèvements crapuleux et misère sans fond

Coup sur coup, deux groupes de jeunes filles, et certains de leurs enseignants, ont été enlevés de leur internat par des bandits armés qui écument de vastes zones du Nigeria.

Il y a une dizaine d’années, c’était le groupe islamiste Boko Haram, actif dans le nord-est du pays, qui s’était tristement illustré en enlevant des élèves, dont certaines sont toujours en captivité. Cette fois c’est dans l’Ouest que plus de 300 élèves d’une école catholique et plusieurs dizaines d’une école musulmane ont été enlevées. La religion ne camoufle même plus le banditisme : il arrive que des rançons allant jusqu’à l’équivalent de 60 000 euros soient réclamées aux familles pour récupérer leurs proches.

Cette situation est une des conséquences du délitement de l’État nigérian, miné par la corruption, qui ne contrôle plus des parties du pays éloignées de la capitale politique, Abuja, et de la métropole économique, Lagos. Ce pays, le plus peuplé d’Afrique, longtemps colonisé par la Grande-Bretagne, continue à souffrir de son sous- développement.

La Banque mondiale estime que près de 60 % des 228 millions de Nigérians vivent sous le seuil national de pauvreté, soit 129 millions de personnes. L’inflation a été de 30 % en 2024. Pire, l’électricité a augmenté de 65 % et le prix de l’essence, que l’État a arrêté de subventionner en 2023, quand Bola Tinubu est devenu président, a été multiplié par cinq en un an et demi.

En juillet 2024, le gouvernement avait doublé le salaire minimum des fonctionnaires, sans pouvoir empêcher des soulèvements contre la hausse des prix quelques semaines plus tard. Car, même doublé, ce salaire n’atteignait que 35 euros par mois, moins que le coût d’un grand sac de riz, la denrée de base. La répression policière avait fait plus de vingt morts.

Le Programme alimentaire mondial s’inquiète à présent du sort de 35 millions de Nigérians menacés de « grave insécurité alimentaire » avant les nouvelles récoltes de 2026. Les coupes budgétaires dans les programmes humanitaires des États-Unis de Trump, mais aussi de pays européens, dont la France, n’arrangent rien.

La misère s’étend donc chez le troisième exportateur mondial de pétrole. Les multinationales Shell (16 milliards de dollars de bénéfices en 2024), TotalEnergies (15,8 milliards) et Chevron (17,7 milliards) exploitent le pétrole nigérian, sans assumer, ou si peu, les conséquences sociales et environnementales de leur industrie. Le président Tinubu leur déroule le tapis rouge. Avant de se lancer en politique, il avait été consultant pour les compagnies pétrolières Aramco et Mobil.

La corruption du régime de Tinubu – lui-même multimillionnaire, actionnaire dans les médias, l’aviation, l’hôtellerie et l’immobilier – et sa répression des manifestations, ne posent pas de problème au monde des affaires. Pas plus qu’elles ne gênent Macron, qui l’a reçu à l’Élysée l’an dernier et encore en septembre pour, sans rire, « approfondir notre […] prospérité mutuelle ». Les populations menacées par la famine, ainsi que les familles des jeunes filles enlevées, n’ont rien à attendre de tels amis.

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