TikTok, un sauvetage intéressé22/01/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/01/une_2947-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C0%2C1271%2C1649_crop_detail.jpg

Dans le monde

TikTok, un sauvetage intéressé

Samedi 18 janvier, les 170 millions d’utilisateurs américains du réseau social TikTok, célèbre pour ses vidéos courtes, ont vu s’afficher un message.

Celui-ci disait : « Une loi interdisant TikTok a été mise en application aux États-Unis […]. Nous avons la chance que le président Trump ait indiqué qu’il allait travailler avec nous à une solution pour rétablir TikTok une fois entré en fonction ».

Le sevrage a été bref : dès le lendemain, l’accès était rétabli et Trump, autrefois pourfendeur de l’application, proclamait lors d’un meeting : « Nous devons sauver TikTok ». La lune de miel s’est poursuivie le surlendemain, lorsque le PDG de TikTok, Shou Chew, a été invité à la cérémonie d’investiture de Trump.

En réalité, la loi n’entrait en vigueur que le 19 janvier. En l’anticipant de 24 heures, TikTok a offert à Trump l’occasion d’apparaître comme le sauveur des utilisateurs et s’est ainsi placé en bonne posture pour les négociations sur son avenir aux États-Unis.

Car TikTok est dans le viseur des autorités américaines depuis plusieurs années. Propriété de ByteDance, une entreprise fondée par des capitalistes chinois, il est accusé de collecter des données pouvant servir à la Chine à espionner ou à manipuler l’opinion publique américaine. Venant d’un pays qui abrite les services de renseignement les plus puissants au monde et les géants des réseaux sociaux comme Meta (Facebook et Instagram) ou X (ex-Twitter), l’accusation ne manque pas d’ironie.

Trump lui-même dénonçait en 2020 l’ingérence chinoise dans les cerveaux des jeunes américains. Il avait alors signé un décret exigeant que TikTok vende ses activités américaines. Ce décret fut bloqué par la justice, avant d’être révoqué par Biden. Mais en 2024, Biden faisait adopter une loi obligeant TikTok à céder ses activités aux USA à des investisseurs américains, sous peine d’interdiction. C’est cette loi qui devait entrer en vigueur le 19 janvier.

Trump l’a suspendue pour 90 jours et il demande à ByteDance de faire en sorte que l’entreprise devienne à 50 % américaine. ByteDance répond qu’il est déjà détenu à 60 % par des investisseurs non chinois, dont de grands fonds d’investissement américains comme BlackRock et un milliardaire proche de Trump, Jeff Yass, qui en possède 15 %. Les requins américains du secteur sont sur les rangs pour prendre leur part du gâteau : Elon Musk lorgne sur TikTok depuis des années et une start up liée à Amazon a fait une offre de fusion à ByteDance juste avant l’interruption du 18 janvier.

Ainsi, le débat sur la « nationalité » de TikTok masque une guerre commerciale derrière le paravent de la souveraineté et de la protection des consommateurs américains, tout en permettant à Trump d’entretenir sa démagogie antichinoise.

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