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- Lutte ouvrière n°1662
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Leur société
Médicaments anti-sida pour les pays pauvres : L'hypocrisie des multinationales pharmaceutiques
Face aux ravages de la maladie, face aussi aux campagnes et à l'émotion qu'elle suscite, cinq grands laboratoires pharmaceutiques viennent de s'engager - de s'engager seulement - à baisser le prix des médicaments contre le sida pour les pays du Tiers Monde. Dans le cadre des discussions du programme des Nations-Unies de lutte contre le sida (Onusida), ces grandes firmes (Boehringer Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, Glaxo Wellcome, Merck & Co et F. Hoffmann-Laroche) ont donc fait un geste qui pour l'instant ne leur coûte pas grand-chose et qui, même s'il est suivi d'effet, n'écornera guère leurs immenses profits.
Rappelons que le coût d'un traitement individuel contre le sida coûte entre 10 000 et 15 000 dollars par an. Les pays les plus riches de la planète " consacrent " 3 milliards de dollars au traitement de la maladie, les plus pauvres seulement 165 millions à sa prévention alors qu'ils comptent sept fois plus de personnes infectées.
A l'heure actuelle, 33,6 millions de personnes sont infectées par le virus. 16,3 millions en sont déjà mortes depuis le début de l'épidémie. L'Afrique subsaharienne compte plus des deux tiers des personnes infectées dans le monde (23,3 millions de séropositifs), alors qu'elle ne représente que le dixième de la population de la planète. Le sida y est devenu la première cause de mortalité (13,7 millions). La plupart des malades d'Afrique et d'Asie, comme le reste de la population, vivent dans une extrême pauvreté, avec souvent moins de cinq francs par jour pour survivre. Pour Bernard Pécoul, de Médecins Sans Frontières, malgré la baisse consentie, si elle l'est, " les médicaments anti-sida resteront inabordables pour la majorité de ceux qui en ont besoin dans les pays pauvres ".
Les déclarations des grandes compagnies pharmaceutiques relèvent d'un opportunisme nullement désintéressé, pour ne pas dire de l'hypocrisie pure et simple. Elles cherchent à gagner du temps tout en donnant l'impression de ne pas être insensibles. Constatons que, pour l'instant, rien n'a encore été décidé. Seul le laboratoire Glaxo Wellcome a proposé d'appliquer une baisse de 85 % sur l'un de ses médicaments pour les pays en voie de développement. N'est-ce pas là l'aveu que ces compagnies pharmaceutiques pourraient réduire considérablement leur prix dans les pays pauvres, voire même distribuer gratuitement des médicaments, tout en restant largement bénéficiaires ? Cela en dit long sur les bénéfices que ces laboratoires réalisent, y compris dans d'autres domaines ! Car si on parle du sida et de ses ravages il ne faudrait pas oublier qu'en Afrique, en Asie, en Amérique latine, dans les pays dominés par la pauvreté, on meurt tout autant de maladies qualifiées de banales, comme la rougeole par exemple, dont on a su maîtriser les effets dans les pays riches.
Cette politique de prix est meurtrière dans les pays pauvres, tant que leur seul critère pour produire, diffuser ou arrêter la fabrication d'un médicament, reste le profit. Détentrices des brevets, ces multinationales freinent des quatre fers pour empêcher la production de médicaments génériques, condition qui permettrait au moins à plus de malades des pays pauvres d'accéder aux soins. Des pays comme l'Afrique du Sud et la Thaïlande ont été menacés de rétorsions commerciales parce que des laboratoires locaux s'apprêtaient à produire des médicaments génériques à des prix abordables. Le laboratoire pharmaceutique américain, Pfizer, a préféré distribuer gratuitement un médicament en Afrique du Sud, sous la pression d'associations de malades du sida, plutôt que d'autoriser des laboratoires sud-africains à le produire et de risquer de perdre ainsi le monopole de sa vente et de sa distribution.
Les besoins de la collectivité supposeraient que l'on produise et distribue les médicaments gratuitement, à grande échelle, afin de soigner les millions de malades de par le monde. Il serait nécessaire et possible d'avoir une réelle politique de prévention de la maladie auprès des populations pauvres d'Afrique et d'Asie. Mais pour ce faire, il faudra sacrifier les profits de l'industrie pharmaceutique et transformer tout ce qui relève de la santé, besoin vital s'il en est, en un service public à l'échelle mondiale.