Un rapport d'une commission d'historiens vient de rappeler une nouvelle fois le silence complice du Vatican et du pape Pie XII devant les crimes nazis, en particulier devant l'extermination des Juifs.

Nommée il y a un an par le Vatican lui-même et composée de Juifs et de catholiques, cette commission internationale avait pour but d'en finir avec les polémiques sans cesse renaissantes sur ce sujet, afin d'atteindre " un niveau plus mûr de compréhension historique ". Le résultat n'est pas à la mesure de ces ambitions : aucune conclusion définitive, mais 47 questions réclamant plus de lumière sur l'attitude du chef " infaillible " de l'Eglise catholique.

C'est que ces historiens n'ont pas pu accéder librement aux archives papales de cette période, interdites au-delà de 1922 ! On se doute que si les archives avaient pu disculper Pie XII, elles n'auraient pas été gardées secrètes. Et les questions de ces historiens, non suspects d'hostilité à la papauté, pointent en réalité la complicité du Vatican.

Par ces questions, on a la certitude que le pape a été de nombreuses fois interpellé par des ecclésiastiques allemands, italiens et polonais sur la persécution et l'extermination des Juifs (et aussi de prêtres catholiques polonais), dès 1938 en Allemagne, puis dans les ghettos et les camps de concentration.

On dispose d'une réponse du pape à ces questions... au maréchal Pétain, qui voulait vérifier si le Vatican était d'accord avec les mesures antijuives prises par Vichy : pas de problème, confirme Pie XII, à condition qu'elles soient " administrées avec justice et charité " ! Quant aux audiences accordées à plusieurs reprises par le pape à Ante Pavelic, chef catholique de l'Etat croate pronazi, dont les atrocités lui étaient connues, elles confirment les choix de Pie XII.

Ce pape, que certains ont appelé " le pape d'Hitler ", avait avec les nazis un large terrain d'entente : la volonté d'en finir avec le bolchevisme et le communisme. Et vis-à-vis des Juifs " infidèles et déicides ", il lui suffisait de continuer l'antisémitisme traditionnel de l'Eglise catholique.

Hitler n'était sans doute pas procatholique. Pie XII n'était peut-être pas raciste et pronazi. Mais ils étaient suffisamment réactionnaires l'un et l'autre pour trouver un terrain commun. Et si l'attitude de ce pape fait aujourd'hui scandale, elle ne tranche pas avec celle prise au cours de l'histoire par la papauté et la hiérarchie catholique, essentiellement du côté de l'ordre, même quand celui-ci était incarné par Franco en Espagne, Pinochet au Chili, les généraux en Argentine, sans même remonter plus loin dans le temps. Elle ne tranche pas non plus avec celle de nombre de politiciens de l'époque, qui surent s'accommoder de Hitler, et même y voir l'exécuteur de leurs basses .uvres antiouvrières. Dans l'enfer des complices d'Hitler, Pie XII avait sa place. Mais il était loin d'être le seul.