Etats-Unis : La bourgeoisie américaine sûre d'avoir un président à sa botte10/11/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/11/une-1687.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Etats-Unis : La bourgeoisie américaine sûre d'avoir un président à sa botte

A l'heure où nous écrivons, le nom du prochain président des Etats-Unis n'était pas encore connu. Après une première annonce de la victoire de George W. Bush, le fils du président des Etats-Unis de 1988 à 1992, il a semblé que sa victoire dans l'Etat de Floride était contestable, l'échec ou la réussite dans cet Etat devenant la clé du succès final de l'un ou l'autre des candidats. Du coup, les autorités se sont mises à recompter les votes de Floride. Que ce soit Bush ou Gore qui succède à Bill Clinton, si cela a une grosse importance pour les équipes politiques des uns et des autres, cela n'en a ni pour la bourgeoisie qui sera aussi bien servie par l'un que par l'autre ni pour la classe ouvrière qui ne peut rien espérer de bon de la part de ces hommes-là.

En effet, si Gore l'emporte, on se retrouvera exactement dans la même configuration que précédemment, avec un Congrès et un Sénat républicain, déboutant les propositions d'un président démocrate quand elles ne lui conviennent pas. Si c'est Bush, la victoire du camp républicain sera intégrale. Et Bush, qui avait fait campagne en se présentant comme un " conservateur de compassion " (il craignait de se retrouver face à un Congrès démocrate), n'aurait alors aucun mal à remplacer cette " compassion " feinte par l'arrogance ouverte d'une droite conservatrice. Le camp démocrate n'aurait plus qu'à se consoler avec l'élection d'Hillary Clinton, première femme élue à un poste de sénateur, celui de l'Etat de New York.

Cette année, il y avait eu un petit changement dans la campagne électorale pour la présidence. A côté des deux grands partis traditionnels de la bourgeoisie américaine, qui n'ont jamais dépensé autant d'argent que pour cette campagne, avaient émergé deux autres candidats, Ralph Nader du Parti Vert et Pat Buchanan du Reform Party. L'un comme l'autre entendaient peser sur la campagne, le premier sur les Démocrates, le second sur les Républicains. Ils visaient à obtenir 5 % des voix, ce qui leur permettrait ensuite de bénéficier de subsides fédéraux, aidant à financer leur parti. Nous ne savons pas encore s'ils ont gagné ce pari. Mais, si c'est Bush qui finalement l'emporte en Floride, cela confirmera que les voix de Nader ont manqué à Gore.

Si l'impact de la campagne de Buchanan sur Bush semblait faible, Al Gore, lui, avait dû réagir aux critiques de Nader et a infléchi le ton de son discours en dénonçant, le temps d'une campagne, le " Big Business ", ou du moins certaines grandes entreprises, les compagnies pétrolières (qui ont longtemps fourni ses revenus à son adversaire Bush), les grandes entreprises pharmaceutiques, les assureurs, les fabricants de cigarettes et les entreprises les plus polluantes.

Gore a fait semblant d'apparaître comme le porte-parole de ceux qui étaient laissés sur la touche par la reprise économique de ces huit dernières années. La comédie est d'autant plus choquante qu'au cours des huit années de présidence Clinton, si l'économie américaine est sortie, pour un temps, de la récession, les travailleurs ont eu beaucoup moins de sujets de satisfaction que les grandes entreprises, les grandes fortunes, les gros salaires ou les spéculateurs de Wall Street, grands gagnants de cette période.

Actuellement, les 5 % d'Américains les plus riches concentrent entre leurs mains une fois et demie la richesse de tous les autres, tandis qu'il existe deux millions d'adultes et 1,35 million d'enfants, sûrs de connaître au moins une période de leur vie sans abri.

C'est que l'explosion de profits des grandes entreprises a été payée au prix fort par les classes laborieuses, au point qu'elles se retrouvent aujourd'hui ramenées en arrière, au niveau de vie de 1973. Si les travailleurs avaient vu leurs revenus augmenter ne serait-ce qu'au rythme des dirigeants d'entreprise, leur salaire annuel aurait bondi de 25 000 dollars à 138 500 dollars (soit l'équivalent de 1 100 000 francs). Depuis 1960, l'ouvrier américain reste le plus productif du monde. Pour gagner sa vie, il doit travailler en moyenne près de 2 000 heures par an, 80 heures de plus que l'ouvrier japonais, 300 heures de plus que l'ouvrier français et 400 heures de plus que l'allemand et quatorze semaines de plus que les travailleurs norvégiens !

Malgré la différence de tonalité de leur campagne, les deux candidats représentaient les intérêts des possédants. Il n'y avait aucun doute pour Bush. A propos de Gore, le Wall Street Journal citait un patron américain expliquant : " Nous comprenons qu'une certaine rhétorique soit inévitable dans une campagne politique ". Pour les plus obtus, Gore avait choisi comme vice-président, Joseph Lieberman, sénateur ultra-conservateur apprécié des milieux d'affaires.

Sur les sujets préoccupant les travailleurs, l'avenir des retraites par exemple, là aussi, il y avait accord entre eux sur le fond, même si leurs propositions présentaient des variantes. Bush et Gore étaient d'accord pour entraîner ce qui reste du système général de minimum vieillesse, arraché à Roosevelt dans les années trente, vers un système de retraite par capitalisation boursière, par des chemins différents. Aucun d'entre eux ne parlait de revenir en arrière sur les précédentes attaques contre la retraite, qui ont fait que ces maigres pensions progressent plus lentement que l'inflation et laissent la majorité des retraités dans la pauvreté.

Au cours des huit dernières années, la présidence démocrate a poursuivi les attaques contre la classe ouvrière commencées par les douze années antérieures de présidence républicaine. C'est en menant une offensive constante contre la classe ouvrière, les pauvres, les retraités que la bourgeoisie et l'Etat américain, qui ne cesse d'aider les entreprises, notamment avec des cadeaux fiscaux, ont permis aux profits des entreprises de s'envoler tandis que les travailleurs voyaient leur pouvoir d'achat baisser, des emplois bien payés remplacés par des petits boulots mal payés, la protection sociale rognée voire supprimée, notamment pour les nouveaux embauchés. Ainsi, quelque 44 millions d'Américains n'ont aucune assurance-maladie, ils étaient 36 millions il y a huit ans.

Ces élections présidentielles n'offraient de toute façon aucun moyen d'inverser cette tendance, car quel qu'en soit l'élu, il mènera la politique des grands actionnaires. La classe ouvrière américaine, qui a su montrer dans le passé sa combativité, doit ne compter que sur ses luttes pour changer son sort, et pour ne pas continuer à payer l'enrichissement provocant des plus riches.

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