Intérim : L'Europe de la flexibilité10/11/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/11/une-1687.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Intérim : L'Europe de la flexibilité

Le patronat a toujours plus recours à l'intérim, quand il a besoin d'embaucher.

Comme tous les salariés en contrat précaire, les travailleurs en intérim sont une main-d'Ïuvre sur laquelle le patronat peut exercer davantage de pressions (cadences, heures supplémentaires) et qui a l'avantage de permettre un ajustement au plus près du nombre de salariés nécessaires en fonction des aléas de la production.

En France, l'intérim a augmenté de 20 % l'an dernier entre novembre 1998 et novembre 1999, après avoir augmenté de 32,7 % l'année précédente. Mais en fait il augmente partout en Europe, où on comptabilise 2,2 millions d'intérimaires.

Les législations varient d'un pays à l'autre, limitant plus ou moins la durée des contrats ou le nombre des renouvellements. En Grande-Bretagne par exemple, il n'y a aucune restriction : le recours à l'intérim peut se faire dans n'importe quelle branche (il représente 10 % des emplois dans les secteurs de l'éducation ou de la santé notamment), pour n'importe quelle durée de contrat et peut être renouvelé autant de fois que nécessaire ! Il est vrai que les gouvernements britanniques successifs se sont faits les champions de la déréglementation : le CDI (contrat à durée indéterminée) est très facile à rompre à tout moment par le patronat et, du coup, l'intérim n'y représente au total que 1,7 % des salariés, et CDD plus intérim représentent 7 % des emplois, contre 13,1 % en France ou 11,7 % en Allemagne.

En Espagne, l'intérim n'est légal que depuis 1994 et en Grèce seulement depuis 1999. En Italie aussi, il n'a été introduit que récemment. Mais partout, à l'instar des pays du Nord où très peu de restrictions existent quant au recours à l'emploi d'intérimaires, les législations tendent à s'assouplir pour satisfaire la demande des entreprises de plus de flexibilité, au point que les partenaires sociaux européens ont ouvert cet été des négociations pour encadrer cette activité.

Dans la réalité, même quand une législation existe, comme en France, pour limiter la durée des contrats ou le nombre des renouvellements, il est très facile pour le patronat de respecter une interruption légale pour reprendre des intérimaires dès que possible, sans avoir à les embaucher en contrat définitif. C'est ainsi qu'on voit des salariés, ex-CDI licenciés d'une entreprise, y revenir régulièrement en tant qu'intérimaires, travaillant pratiquement à leurs anciennes places !

En moyenne dans l'ensemble de l'Union européenne, le travail précaire représente 18 % des salariés et 53 % des embauches sont faites dans le cadre d'un CDD ou d'un contrat d'intérim.

En France, depuis dix ans, les embauches en contrats précaires sont toujours les plus nombreuses, surtout dans l'industrie, qui emploie 52,2 % d'intérimaires ! Car ce sont les emplois ouvriers qui représentant les trois quarts des emplois en intérim.

Ayant souvent moins de pratique sur les tâches qu'ils sont amenés à accomplir que les travailleurs permanents, les intérimaires sont plus nombreux à être victimes des accidents du travail et ils n'ont souvent pas droit à la formation. L'intérim n'est pas un choix pour eux, en général : les deux tiers des intérimaires interrogés en Europe disent travailler en intérim faute de pouvoir trouver un emploi stable.

Quant aux patrons, interrogés également, ils reconnaissent que, si 27 % des intérimaires compensent les absences du personnel régulier, 21 % correspondent à des besoins de personnels pour des " pointes de production ", 23 % pour faire face aux fluctuations saisonnières et 10 % comme " réserve d'emplois flexibles pouvant être réduite sans affecter le nombre des travailleurs permanents ". Une enquête du journal économique La Tribune du 27 octobre confirme que 15 % des intérimaires en Europe occupent en fait des postes réguliers et permanents, tout en subissant des conditions de travail plus dégradées.

Ce sont autant de données chiffrées qui confirment ce que les travailleurs voient tous les jours autour d'eux : un accroissement de la précarité, une dégradation des conditions de travail permise par le chantage au chômage qu'exerce un patronat assoiffé de profits, avec la complicité des gouvernements de toute l'Europe, quelles que soient leurs couleurs politiques.

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