Syndrome du Golfe : Des militaires empoisonnés à l'insu de leur plein gré10/11/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/11/une-1687.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Syndrome du Golfe : Des militaires empoisonnés à l'insu de leur plein gré

Une cinquantaine au moins d'hommes malades en France, dont 42 disent avoir pris sur ordre des doses répétées d'une substance dangereuse ; un ancien responsable qui vient finalement de craquer devant une commission d'enquête en révélant qu'un ordre écrit a bien existé, obligeant des milliers d'hommes à absorber un médicament susceptible de causer aujourd'hui des problèmes neurologiques graves ; et cela alors que les autorités le niaient depuis près de dix ans. Tout cela n'évoque-t-il rien ? Une nouvelle affaire de dopage ?

Il ne s'agit pas de cyclistes mais de soldats, de ceux que les grandes puissances ont envoyés en 1990-1991 en Irak pendant la guerre du Golfe, et le dopé Virenque s'est fait doubler, dans la course aux aveux, tant le scandale concerne de monde...

En effet, l'ancien commandant des forces françaises, le général Roquejoffre, vient de reconnaître devant une commission parlementaire chargée d'étudier les risques sanitaires liés à la guerre du Golfe, qu'environ 9 000 soldats de la division Daguet ont bien reçu l'ordre d'absorber pendant trois ou quatre jours d'affilée des comprimés de pyridostigmine, un antidote aux toxiques chimiques, avant l'offensive terrestre contre l'Irak en février 1991. Cet aveu a eu lieu le 31 octobre et, le 2 novembre dernier, Alain Richard, le ministre de la Défense, reconnaissait à son tour officiellement ces propos, lui qui le 21 juillet dernier affirmait sans sourciller qu'" aucune expérimentation chimique n'avait été faite sur des soldats français durant le conflit ". Il insistait le 31 août encore, déclarant que " les militaires n'ont pas reçu d'antidote préventif aux armes chimiques alors qu'un début de consensus se dégage pour dire que ces produits étaient dangereux ".

La Grande Muette a enfin parlé, mais elle a mis le temps et n'a pas forcément tout dit... alors que les soldats aujourd'hui malades, qui souffrent de douleurs musculaires, vertiges, dysfonctionnements respiratoires, du foie et des reins ou de pertes de mémoire, veulent que l'armée reconnaisse sa responsabilité, prenne en charge leurs soins et revalorise leurs pensions.

En Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, de nombreux soldats sont tombés malades de manière inexpliquée, après la guerre, de ce qu'on appelle depuis " le syndrome du Golfe ". 180 000 vétérans sont déjà indemnisés à ce titre aux Etats-Unis.

La mission parlementaire a aussi levé un autre coin du voile. Car si la pyridostigmine ingurgitée par les soldats peut être responsable de certaines lésions cérébrales constatées, il n'y a peut-être pas que cela. Le général Roquejoffre a aussi reconnu l'utilisation par l'armée américaine de munitions radioactives chargées d'uranium appauvri et hautement toxiques contre les Irakiens. La population irakienne civile en a été la première victime avec la multiplications des cancers, des leucémies et des malformations congénitales chez les nouveau-nés. Mais les soldats des armées occidentales peuvent aussi avoir été accidentellement contaminés.

Ces armes sont donc utilisées sans qu'on nous le dise. Ce n'est pas étonnant, alors que les états-majors, couverts par les gouvernements successifs, mentent sur la cause des maladies affectant leurs soldats. Les médias et les services de communication des armées ne nous ont-ils pas en 1990 présenté la guerre du Golfe comme une guerre " propre ", " chirurgicale " même ? Alors qu'il s'agissait bien d'une guerre sale, faisant des milliers de victimes irakiennes ou même au sein des troupes envoyées par les grandes puissances. Y compris des victimes à retardement. Ils restent en cela fidèles à la vocation des armées : celle de tuer.

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