Vache folle : Il ne suffit pas de signer des décrets...12/01/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/01/une-1696.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Vache folle : Il ne suffit pas de signer des décrets...

Dans la précipitation, le gouvernement a rendu obligatoires les tests de dépistage de l'E.S.B. pour les bovins de plus de 30 mois conduits à l'abattoir... sauf qu'il n'y a pas de laboratoires en nombre suffisant pour que ces tests puissent être effectués.

Du coup, c'est l'embouteillage. Les abattoirs ont dû refuser des bêtes et les éleveurs se plaignent aujourd'hui de devoir les garder à l'étable et de les nourrir.

On peut comprendre les difficultés des éleveurs, qui ont vu leurs revenus s'effondrer, et sont anxieux de pouvoir à nouveau vendre leurs bêtes. Mais le 8 janvier, ce sont des grossistes et des industriels de la viande qui, manifestant contre «l'immobilisme des pouvoirs publics», ont bloqué les routes avec leurs bétaillères. Or ceux-là ne sont pas blancs dans la crise dont ils se plaignent.

Depuis qu'est apparue l'épidémie de «vache folle», personne n'a entendu ces mêmes industriels défendre les contrôles et les tests, ni réclamer des moyens pour les mettre en oeuvre. Et si le gouvernement a longtemps différé les mesures qui s'imposaient, ce fut pour respecter les intérêts économiques de ces patrons de la filière viande. Le contenu actuel de leurs revendications, face à la mévente persistante, est d'ailleurs édifiant. Ils réclament un allégement des charges sociales patronales et de la taxe professionnelle, l'aménagement du passage aux 35 heures et le remboursement des tests par l'Etat. D'évidence, leur préoccupation principale n'est pas la santé des consommateurs !

En revanche, ceux-ci, pourraient à juste titre être indignés par la mise en place chaotique des tests de dépistage. D'abord parce que ces tests seront financés à leurs frais, que ce soit au travers du budget de l'Etat, de l'Europe ou encore par la hausse du prix de la viande au détail. Ensuite, parce que cela révèle une situation de sous-équipement chronique en matière de sécurité alimentaire et démontre une nouvelle fois la désinvolture dont les gouvernements successifs ont fait preuve. Lorsque cette mesure de dépistage obligatoire a été décidée pour le 1 er janvier 2001, seuls quatorze laboratoires vétérinaires publics, en tout et pour tout, avaient les moyens de faire ces tests. Des régions entières d'élevage en étaient totalement dépourvues. Du coup, le gouvernement agrée maintenant, à la va-vite, des laboratoires privés, pour qui les 500 F payés par test représentent un marché juteux. C'est bien la preuve évidente que rien n'était prévu, alors que l'on en est à 161 cas de vaches folles en France et qu'il est prouvé, depuis 1996, que cette maladie est transmissible de l'animal à l'homme.

Le boycott massif de la viande de boeuf par les consommateurs, il y a deux mois, a obligé le gouvernement à prendre des mesures, notamment en ayant recours à ces tests, mais leur efficacité est limitée, les tests existants ne dépistant en effet la maladie que dans sa dernière phase, quelques mois tout au plus avant que les symptômes ne l'aient rendue évidente. Par ailleurs, si les tests positifs détectent les animaux contaminés, en revanche des tests négatifs ne permettent pas de garantir à 100 % que les animaux sont sains. Mais ce qui compte pour le gouvernement comme pour les patrons du secteur c'est que la consommation reprenne.

L'impréparation qui s'étale aujourd'hui a de quoi inquiéter. Car cette situation résulte de longues années au cours desquelles les moyens et les effectifs en matière de sécurité alimentaire ont été chichement mesurés, et rien ne dit que cela va changer. Il manque des laboratoires publics pour faire des tests, mais aussi des vétérinaires pour s'assurer que l'on effectue bien le retrait des parties à risque, et des contrôleurs pour vérifier la façon dont est appliquée l'interdiction des farines animales.

Le gouvernement invoque le «principe de précaution». Mais s'il se préoccupe du problème, c'est d'abord et avant tout, pour faire repartir la consommation, et donc les profits. Cette façon de vouloir ainsi rassurer les consommateurs n'a donc rien de vraiment rassurant...

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