Palestine : Le mirage d'une conférence de paix10/05/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/05/une1763.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Palestine : Le mirage d'une conférence de paix

Mardi 7 mai, le nouvel attentat suicide qui a fait plus de quinze morts à Rishon le Zion, dans la banlieue de Tel Aviv, a dissipé l'illusion, entretenue par le gouvernement israélien, que son opération militaire dans les Territoires occupés ait pu mettre fin au « terrorisme » qu'elle était censée combattre. Et on peut imaginer en effet que les massacres commis par l'armée israélienne à Jenine, les pillages et les dévastations auxquels elle s'est livrée tant chez les particuliers que dans les bâtiments officiels, les écoles, les institutions dépendant de l'Autorité palestinienne, dont elle semble vouloir anéantir jusqu'aux symboles, ont pu faire naître bien plus de vocations de kamikazes qu'elle n'ont pu arrêter - ou tuer- de présumés « terroristes ».

L'attentat a surpris le Premier ministre israélien Sharon à Washington, où commençaient ses pourparlers avec George Bush en vue d'une éventuelle conférence internationale sur le Proche-Orient. Comme c'est devenu l'habitude, Sharon a immédiatement saisi cette raison pour interrompre les pourparlers et rentrer en Israël, tout en accusant encore une fois Arafat d'être le responsable du terrorisme et en refusant l'idée de négocier avec lui.

Au moment où les dirigeants américains, de concert avec les dirigeants européens et quelques dirigeants arabes, tentent péniblement de dessiner la perspective d'une conférence internationale sur le Proche-Orient, celle-ci semble déjà bien compromise. Quel sens pourrait avoir en effet une telle conférence d'où serait absent Arafat, le premier représentant d'une des parties en conflit ? Le principal résultat de l'offensive israélienne dans les Territoires et du siège de près de cinq mois imposé par l'armée autour du quartier général d'Arafat à Ramallah semble être d'ailleurs d'avoir renforcé la popularité, et la position politique, du leader de POLP auprès des Palestiniens eux-mêmes. Autant dire que l'attitude de Sharon, en refusant de négocier avec Arafat, est en fait de refuser de négocier tout court. Et pourquoi s'y sentirait-il obligé, alors que sa politique de guerre à outrance dispose de la complicité de fait des dirigeants américains ?

On l'a vu d'ailleurs dans une autre affaire, celle de la commission d'enquête décidée il y a quelques semaines par l'ONU sur l'attitude de l'armée israélienne à Jenine. La mise en place de cette commission s'est heurtée au refus des dirigeants israéliens, craignant que certains de leurs officiers aient à répondre de crimes de guerre, et cette commission semble donc maintenant définitivement enterrée au milieu de quelques déclarations hypocrites de regret des divers représentants des pays concernés, européens notamment. Ni les dirigeants américains, ni les dirigeants européens, ni l'ONU, ne veulent faire un quelconque déplaisir à Israël et faire, contre son gré, une enquête sur le comportement de son armée.

Alors Sharon se sent dans une situation de force pour poursuivre sa guerre dans les Territoires occupés, une guerre dont l'objectif maintenant avoué est d'anéantir toutes les structures de l'Autorité palestinienne, de frapper de terreur la population des Territoires, de lui rendre la vie impossible et ainsi, si possible, d'en convaincre le maximum de partir ailleurs, tout en poursuivant l'installation de colonies israéliennes et en les protégeant par un invraisemblable dispositif militaire.

Tout cela est pourtant intenable. Il est intenable de vouloir imposer sur le même territoire la présence de colonies israéliennes de quelques milliers d'hommes, vivant dans de bonnes conditions matérielles et s'entourant de hauts murs, de barbelés infranchissables, de protections militaires, communiquant entre elles par des routes réservées que ne peuvent emprunter, en revanche, les centaines de milliers d'hommes qui vivent dans les agglomérations palestiniennes voisines, dans des conditions matérielles misérables et qui ne cessent de s'aggraver. Or, c'est là le résultat de la politique des dirigeants sionistes d'Israël, de leur négation obstinée et obtuse des droits des Palestiniens.

Quand les dirigeants américains, ou européens, évoquent une éventuelle conférence internationale, ils ne pensent pas à régler vraiment le conflit - ce qui impliquerait d'exercer sur Israël de réelles pressions, ce qu'ils ne veulent pas faire. Tout au plus voudraient-ils faire renaître l'illusion qu'un jour peut-être il se réglera, afin de faire un peu retomber la tension dans la région et de fournir un alibi aux dirigeants arabes auprès de leur opinion publique, qui se sent solidaire des Palestiniens. Car pendant que Sharon mène sa guerre en Cisjordanie et à Gaza, les dirigeants américains projettent d'en mener une autre, cette fois contre l'Irak, et voudraient bien avoir les mains libres vis-à-vis des autres dirigeants arabes.

Alors oui, la paix, c'est à dire la coexistence fraternelle entre les deux peuples israélien et palestinien, est la seule perspective possible. Mais elle ne viendra évidemment ni de la politique de Sharon, ni des hypocrites tentatives diplomatiques américaines ou même européennes. Elle dépend d'abord des peuples eux-mêmes, et en premier lieu de la capacité de la population israélienne de rompre avec la politique de force de ses dirigeants, incapables de lui ouvrir d'autres perspectives que l'impasse sanglante qui, depuis des années, met à feu et à sang le Proche-Orient.

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