Agriculture : L'environnement, trop cher !06/09/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/09/une1779.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Agriculture : L'environnement, trop cher !

Le nouveau ministre de l'Agriculture du gouvernement Raffarin, Hervé Gaymard, vient de provoquer un tollé dans une partie du monde agricole en décidant de suspendre une mesure prise par son prédécesseur socialiste, Glavany, les CTE, Contrats territoriaux d'exploitation.

Il s'agit de subventions liées à la préservation par l'exploitant agricole de l'environnement, à l'aménagement du territoire, tout en améliorant les performances économiques. C'est un type de subvention aux agriculteurs parmi un très grand nombre d'autres qui existent déjà. Mais, pour une fois, la volonté affichée était le respect de l'environnement. C'est d'ailleurs la nouvelle orientation préconisée par la Commission européenne. En effet les consommateurs sont devenus méfiants à la suite des nombreux scandales concernant l'alimentation, et une partie de l'opinion s'insurge de plus en plus devant les dégâts dus à l'agriculture productiviste : excès d'engrais, rejets des élevages hors sols, etc. Place donc à l'agriculture " raisonnée ", c'est le nouveau vocable à la mode.

En réalité, il s'agit d'une concession de pure forme à une partie de l'opinion publique. L'immense majorité des subventions européennes ou françaises n'a qu'un seul but : soutenir la production agricole par une course à la productivité.

Il ne s'agit pas tant de soutenir les agriculteurs - qui touchent les subventions - que, de manière indirecte, toute la filière agro-alimentaire. L'agro-alimentaire (matériel agricole, nourriture du bétail, produits phytosanitaires, transformation des viandes, laitages, céréales, fruits, etc.) ainsi que la grande distribution ne pourraient survivre si l'agriculture venait à disparaître. Et elles représentent un chiffre d'affaires très supérieur à la seule production des produits agricoles. D'où des milliards de dollars ou d'euros de subventions dans tous les grands pays agricoles développés du monde.

La mesure décidée par Glavany en 1999 se voulait donc une mesure " de gauche " respectueuse de l'environnement. En réalité, il s'agissait de poudre aux yeux. Pendant qu'on distribuait quelques millions d'euros à une petite partie du monde agricole pour la bonne cause, les subventions par milliards d'euros continuaient pour les gros élevages pollueurs, les gros céréaliers qui saturent les sols d'engrais, etc.

Quelques dizaines de milliers d'agriculteurs se sont cependant déclarés intéressés : on en était à plus de 30 000 contrats CTE fin juillet 2002. Et cela coûte, évidemment, davantage que prévu : une centaine de millions d'euros, ce qui n'est d'ailleurs qu'une misère par rapport à la masse des subventions aux agriculteurs.

Aussi le ministre Hervé Gaymard, prétextant une dérive et la nécessité d'économies budgétaires, prétextant aussi des abus de la part de certains agriculteurs, a décidé de suspendre les CTE, dans le but sinon de les supprimer (il s'en défend) du moins de les revoir à la baisse. Mais des abus, il y en a eu à propos de toutes les subventions. Sans même parler des vaches corses indénombrables parce qu'elles étaient quelque part dans la forêt ou dans le maquis, certains élevages pollueurs touchent toujours des subventions sans qu'il soit question de suspendre le mécanisme : ce sont des abus connus et maintenus.

En réalité la gauche de gouvernement avait pris une mesurette pour faire semblant de défendre l'environnement, laquelle revient encore trop cher, et ne sert à rien aux grosses sociétés de l'agroalimentaire. La droite cherche donc à s'en débarrasser.

Et pendant ce temps-là Chirac fait des discours sur le respect de l'environnement à Johannesburg...

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