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Leur société
Le budget, son déficit... et ceux qui en font les frais
Que ce soit à propos des baisses d'impôts promises par Chirac, des effectifs dans la Fonction publique, du fonctionnement des hôpitaux publics, de l'école, voire du budget des États de la zone euro, depuis des semaines, il n'est pas un jour sans qu'un homme politique ou un autre ne joue gravement à se demander si le Budget sera contenu dans la limite des 3 % de déficit autorisés.
Et, pour rendre les choses encore plus claires - du moins, c'est ainsi ce qu'on nous dit -, le soir, on voit apparaître sur la plateau du journal télévisé tel ou tel commentateur pour nous " expliquer " que " la croissance attendue de 3 % n'étant pas au rendez-vous, et tournant plutôt autour de 2, voire 1 % seulement, le déficit se creuse et il faudra bien faire des arbitrages "...
Il s'agit évidemment de préparer l'opinion à de nouveaux sacrifices car il manquerait des sous dans les caisses de l'État. Car le Budget, les impôts qui l'alimentent, les dépenses auxquelles il sert, ne sont pas neutres d'un point de vue social. Il y a ceux, la majorité, qui en font les frais et ceux, la minorité, qui en profitent, que le Budget soit dit " en équilibre " ou annoncé " en déficit " comme actuellement.
On nous affirme que les recettes de l'État ne seront pas suffisantes pour équilibrer son Budget. Mais pourquoi ? Bien sûr, la droite ne va pas avouer - et l'ex-" gauche plurielle " encore moins - que les torrents d'exonérations fiscales et d'aides diverses dont les gouvernements précédents ont abreuvé le patronat, et plus largement les classes possédantes, ont vidé les finances publiques. C'est pourquoi le gouvernement Jospin n'a cessé - comme Juppé et Balladur avant lui et comme s'apprête à le faire Raffarin - de réduire les dépenses publiques utiles à la population. Il s'agissait de dégager des fonds destinés à aider les plus riches.
Raffarin laisse entendre qu'il aura des difficultés à boucler un Budget 2003 établi sur la base d'une croissance économique prévue à 3 %, alors qu'elle ne serait que de 1 %. Les recettes fiscales seraient moindres que prévu. Mais cela ne l'a pas empêché d'augmenter le salaire des ministres, déjà plus que confortable, de... 70 % au moment même où il refusait " un coup de pouce " au Smic. Et puis, cet été, Raffarin a versé une rallonge de 908 millions d'euros au ministère de la Défense, une dépense dont l'intérêt pour la population n'échappera à personne...
Et ce n'est pas tout. Dans le cadre de la loi de programmation militaire 2003-2008, plus d'un milliard d'euros supplémentaire a déjà été annoncé pour la seule année 2003. En revanche, la lettre que le ministère de l'Economie et des Finances a envoyée le 12 août aux ministères, et qui leur enjoint " de mettre en réserve une partie des crédits budgétaires pour 2002 ", bref de geler leurs dépenses, s'applique déjà à l'Education nationale où l'on ferme des classes faute de maîtres, où Ferry annonce de nouvelles réductions d'effectifs. Cela s'applique aussi à la Santé publique, où le gouvernement Raffarin continue sur la lancée de son prédécesseur, en refusant d'embaucher du personnel soignant, en faisant fermer des lits d'hôpitaux...
Quant au patronat, il trouve que les 35 heures façon Jospin-Aubry ne lui avaient pas assez rapporté en matière de flexibilité et d'annualisation du temps de travail. Qu'à cela ne tienne, Fillon lui a donné ce qu'il réclamait, notamment en matière d'heures supplémentaires. Mais cette loi rapporte aussi cent milliards de francs par an au patronat, et en coûte donc autant aux finances publiques. Et Raffarin veut même encore réduire le peu de charges patronales sur les bas salaires. Il s'apprête à exonérer les entreprises payant leurs salariés au Smic d'un montant maximum de charges équivalant à 20,8 % du Smic brut en 2003 et à porter ce taux à 26 % en 2005. Cela représenterait de un à un milliard et demi d'euros d'exonérations pour 2003, ce qui s'ajouterait aux 15,7 milliards déjà prévus à ce titre par le gouvernement Jospin, plus 475 millions versés cet été par l'actuel gouvernement sous forme de " collectif budgétaire ".
Les ristournes accordées aux employeurs à ce titre atteindraient déjà 16,2 milliards d'euros pour 2002, Fillon prévoit de les porter à 22 milliards d'ici trois ans. Quand on sait que le montant des fonds publics consacrés aux exonérations de charges patronales sur les bas salaires ne représentait " que " l'équivalent de 0,9 milliard d'euros en 1993, on voit comment et qui a creusé l'actuel déficit, et qui continuera à en profiter.