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Miss Monde au Nigeria : La provocation tourne à la tragédie
Au Nigeria, à Kaduna, dans le nord du pays, des émeutes ont fait plus de 200 morts et un millier de blessés. C'est le résultat d'affrontements violents entre musulmans et chrétiens, mais aussi, semble-t-il, d'exécutions sommaires perpétrées par la police.
Ces affrontements font suite à la tentative d'organiser dans la capitale, Abuja, l'élection de Miss Monde : ce concours, organisé de surcroît en plein mois du ramadan, a été très vite qualifié d'obscène par les intégristes musulmans qui, de plus, se sont emparés du fait qu'un article du quotidien This Day a affirmé que Mahomet aurait sans doute épousé l'une des Miss !
Le prétexte était tout trouvé pour relancer la violence latente entre communautés divisées par la religion, mais surtout également misérables et exploitées par les pouvoirs politiques et religieux.
Les affrontements ont eu lieu dans une ville d'un des douze États du Nord qui ont décidé, en 2000, d'appliquer la charia, la loi religieuse islamique. C'est dans ces États que l'on coupe la main des voleurs et que l'on condamne à mort par lapidation les femmes adultères. L'une d'elles, récemment condamnée, est menacée d'être exécutée quand elle aura sevré son enfant, en janvier 2004.
A l'époque, le président Obasanjo, ancien chef de junte reconverti en chef de gouvernement " démocratiquement " élu, a déclaré la charia anticonstitutionnelle mais n'a pas appliqué cette décision, soucieux sans doute de ménager ses appuis électoraux dans le Nord.
Obasanjo voulait, paraît-il, organiser ce concours de beauté, dont la tenante du titre est nigériane, pour modifier l'image de marque de son pays ! Ce n'est pas réussi, c'est le moins que l'on puisse dire.
Au-delà de l'exploitation politico-religieuse voulue par les intégristes musulmans, comment ne pas prendre pour une provocation l'étalage de futilité et de luxe qui entoure ce genre de manifestation dans un pays aussi misérable ?
Selon les statistiques des Nations Unies, 70 % de la population du Nigeria vit aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté, contre 48,5 % en 1998 ; dans la même période, l'espérance de vie est passée de 54 à 51 ans ; deux cinquièmes des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition et même dans une grande ville comme Lagos, 60 % de la population n'a pas accès à l'eau potable. Tout cela dans un pays qui est le sixième producteur de pétrole, entièrement entre les mains des compagnies comme la Shell qu'appuient des politiciens locaux corrompus.
On comprend que les intégristes musulmans, mais aussi leurs émules chrétiens qui s'organisent dans le sud et l'est du pays, n'aient pas de mal à utiliser la misère et les frustrations d'une population qui a pourtant tout à perdre dans ces affrontements.