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- Lutte ouvrière n°1793
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La loi de " modernisation sociale " suspendue... Le " modernisme " c'est les licenciements plus faciles
Le gouvernement vient de suspendre un certain nombre de dispositions de la loi dite de " modernisation sociale " concoctée par le gouvernement de la gauche plurielle. Ce texte, proposé et voté à l'initiative du PCF, était une concession de Jospin, surtout symbolique, à son allié.
Le chef de la gauche plurielle avait d'ailleurs longtemps fait traîner la discussion et le vote. Au point qu'une fois la loi adoptée, il n'avait pas été pressé d'en voir publier les décrets d'application. Pour certains articles, cela n'a même jamais été fait. Le gouvernement s'acharne aujourd'hui contre cette loi qui est restée purement symbolique puisqu'elle n'a pas connu le début d'un commencement d'application.
Cette loi ne visait pas à interdire les licenciements collectifs. Les dispositions prévues étaient destinées à rendre plus longues les procédures d'application des plans sociaux et pouvaient retarder les décisions. Des syndicats des entreprises concernées pouvaient faire des contre-propositions, montrant qu'il existait une alternative industrielle permettant d'éviter les licenciements. Il leur était possible d'en appeler à un médiateur désigné par les autorités. Mais de toute façon, le dernier mot restait aux patrons.
Pour justifier la remise en cause de la loi, le gouvernement de droite avance sa panoplie d'arguments habituels. A en croire Fillon, les entraves qu'il vient de supprimer gênaient le redressement d'entreprises qui " préfèrent cesser toute activité plutôt que de s'aventurer dans le labyrinthe de cette loi ". Ou encore " il existe un risque sérieux que les investisseurs internationaux choisissent de s'implanter hors de France " !
Qui peut croire à de telles sornettes ? Les entreprises qui réduisent leurs effectifs le font uniquement parce que cela leur permet de maintenir et surtout d'augmenter leurs profits. Et même quand des entreprises, moyennes ou grandes, celles qui étaient justement concernées par la loi de modernisation sociale, sont en difficulté, c'est souvent momentané. Elles ne l'ont pas toujours été, et ne le seront pas toujours. Si tant est qu'elles soient dans une situation difficile, pourquoi ne pourraient-elles pas maintenir les emplois en puisant sur les profits et les richesses accumulés des gros actionnaires ?
C'est parce qu'il était bien difficile de faire accepter à l'opinion des plans de licenciements visant à augmenter les profits des actionnaires de Danone ou de Marks and Spencer, que Jospin s'était senti obligé, à quelques mois de l'élection présidentielle, de faire une concession au PCF et aux syndicats.
Les licenciements sont repartis à la hausse de plus belle. Les gestes symboliques du gouvernement s'adressent à d'autres, au patronat et à l'électorat de droite. Pour la galerie, il peut continuer à jouer sur les mots en appelant par exemple les licenciements collectifs des " restructurations ayant des incidences sur l'emploi " ! Les licenciements collectifs ont concerné, selon les recensements officiels, 150 000 travailleurs pour les six premiers mois de l'année, et 40 000 pour un seul mois, du 15 septembre au 15 octobre. Et Guillaume Sarkozy, le frère du ministre de l'Intérieur et vice-président du Medef exprime le mépris profond de tout ce monde-là lorsqu'il se déclare " fier d'être un patron industriel qui délocalise. Assez de faux-semblants : la perte d'emploi, la déstabilisation industrielle, c'est normal, c'est l'évolution " !
Voilà qui a le mérite d'exprimer, certes cyniquement, la vraie réalité d'un capitalisme que les travailleurs ne réussiront à moderniser qu'en supprimant l'emprise de cette minorité de profiteurs sur l'économie.