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Tribune de la minorité
Au bord du gouffre, le PC vote un pas en avant !
C'est à Saint-Denis que s'est tenu le 32e congrès du Parti communiste, dans la ville " des rois morts et du peuple vivant " comme l'a présentée son maire communiste Patrick Braouezec. Allusion perfide ?
Après la débâcle à l'élection présidentielle 2002, où Robert Hue avait récolté 3,37 % des suffrages, le PCF avait promis un congrès ouvert... en se gardant de le convoquer aussitôt ! Dans les semaines qui ont suivi le 21 avril, les colonnes de l'Humanité ont fait une large place aux débats et critiques de militants. Depuis plusieurs mois, dans les assemblées préparatoires au congrès, différents courants se sont exprimés publiquement. Sur la possibilité d'au moins faire entendre les divergences, le parti voulait montrer qu'il avait muté.
Un ensemble d'oppositionnels comprenant d'une part les orthodoxes du Pas-de-Calais, d'autre part les conservateurs, anciens proches de Marchais, avait pour axe la contestation de la mutation engagée depuis dix ans par Robert Hue, la volonté de conserver l'ancrage dans les milieux populaires, et la défense de l'autonomie du parti. Premièrement, se protéger des alliances mortelles avec le PS, comme si leur référence Georges Marchais n'avait pas livré le PC pieds et poings liés au PS de Mitterrand, et n'avait pas accepté la participation gouvernementale en 1981. Deuxièmement, se méfier de ceux que le PC appelle toujours les gauchistes, non sans vestiges d'envie de cogner sur l'extrême gauche. Avant le congrès, les textes présentés au vote en opposition à l'orientation de la direction ont recueilli respectivement 23,6 % et 21,4 % des voix, une concurrence sérieuse à la direction qui n'en a recueilli que 55 %.
Une deuxième mouvance (qui n'a pas présenté de texte) était sur une ligne opposée, défendant au contraire davantage de mutation. Souhaitant " rassembler les communistes dans et hors parti ", les rénovateurs ont prôné l'ouverture à d'autres formations politiques : continuer à quémander l'aide électorale des sociaux-démocrates, donc, mais ne pas négliger d'aller voir ce qui peut marcher en ce moment du côté de l'anti-mondialisation voire de l'extrême gauche, la LCR notamment.
Des débats au congrès ont finalement eu lieu. Houleux, même. Mais ils n'ont réellement porté que sur les places dans l'appareil. Ainsi l'événement du congrès a-t-il été le psychodrame autour d'une liste alternative présentée par Maxime Gremetz, pour l'élection du Conseil national du parti, contre laquelle c'est le rénovateur Martelli qui est monté au créneau en lieu et place de la direction. Après deux heures d'interruption de séance, des kilomètres de discussion de couloirs et quelques retournements, la liste concurrente a été écartée et un compromis ficelé. Comme prévu, Marie-George Buffet a été réélue secrétaire nationale, même si près d'un quart des délégués a refusé de prendre part au vote.
Quant aux discussions politiques, elles ont surtout été marquées par le brassage habituel, jusqu'à la nausée, des formules creuses et des fausses autocritiques. " Penser le dépassement du capitalisme [...] en considérant toutes les libérations nécessaires " ; " Etre le parti qui [...] fait du peuple lui-même le bâtisseur d'une société profondément transformée... " ; " Innovation profonde dans notre conception même de la politique, dans notre mise en acte du communisme en politique... ". Sur les réels problèmes de la classe ouvrière, il n'a forgé dans des " ateliers " que des alternatives volontairement vagues comme sur l'emploi où " l'enjeu fondamental " ne serait pas l'interdiction des licenciements mais la proposition d'une SEF (Sécurité d'emploi formation) ! Le seul élément nouveau aura finalement été l'hommage appuyé à Chirac pour sa " position conséquente [...] pour empêcher la guerre " !
Un congressiste a demandé alors : " Est-ce qu'on fait le choix de reconstruire le PCF ou est-ce qu'on joue la survie de quelques élus dans les régions qui seront forcément à la remorque des sociaux-démocrates ? " La réponse est claire. Les dirigeants du PCF n'ont rien à dire, rien à proposer, et leur seule perspective, c'est, selon l'expression de Marie-George Buffet, non de " continuer comme avant " mais " d'aller de l'avant " dans la même direction.
Cela fait très longtemps que la direction du parti est politiquement morte, en tant que direction communiste et révolutionnaire. Elle l'était déjà aux belles heures de Maurice Thorez et de la participation gouvernementale d'après-guerre, quand le PC faisait 26 à 28 % des voix. Aujourd'hui, Robert Hue puis Marie-George Buffet enfoncent sous l'eau ce que le parti conserve encore de capital militant dans les entreprises et les quartiers, qui pourrait pourtant peser favorablement dans la conscience politique et les luttes (le parti déclare aujourd'hui 133 000 adhérents, dont 43 000 auraient participé aux votes).
La direction du PC n'offre aucune perspective politique de bouleversement social. L'appareil du PC est préoccupé des seuls micmacs électoraux pour 2004. Foin du programme sur lequel la classe ouvrière doit engager la lutte générale, contre les licenciements, et contre toutes les attaques du gouvernement, en particulier sur les retraites et la sécurité sociale !
Ce programme de mesures d'urgence comme l'idéal communiste et révolutionnaire, c'est l'extrême gauche, malgré sa faiblesse, qui aujourd'hui les avance - même si on peut discuter de la façon dont elle le fait. Non sans influence militante et politique dans le milieu du PC. Mais il y a un pas à franchir. Ne serait-ce que quelques milliers de militants du PC, dévoués aux intérêts de leur classe, qui viendraient sur ce programme révolutionnaire que l'extrême gauche cherche à faire vivre, et l'offensive gouvernementale et patronale en serait singulièrement compromise.
C'est l'enjeu, dans les rangs du PC comme de l'extrême gauche.