- Accueil
- Lutte ouvrière n°1838
- La Poste : Une banque de plus... mais de moins en moins La Poste
Dans les entreprises
La Poste : Une banque de plus... mais de moins en moins La Poste
Le gouvernement veut autoriser La Poste à ouvrir en 2005 une véritable banque postale. Elle ouvrirait un établissement de crédit qui centraliserait toutes les opérations financières de La Poste, élargies aux prêts immobiliers sans épargne préalable et éventuellement, ultérieurement, à d'autres types de prêts. En fait, il s'agit de faire que l'activité financière de La Poste prenne une place de plus en plus importante par rapport au traitement du courrier. Actuellement, les services financiers réalisent près du quart du chiffre d'affaires de La Poste, alors que le courrier en réalise près de 60%.
La Poste va multiplier ses activités financières, car ses activités postales, qui vont être totalement ouvertes à la concurrence d'ici 2010, vont se réduire. Avec la fin complète de son monopole sur le traitement du courrier, y compris donc des lettres, elle craint de perdre une partie de son chiffre d'affaires, d'autant que le développement du courrier électronique lui fait d'ores et déjà perdre une partie de ses clients. Aussi La Poste voudrait ressembler davantage à une banque. C'est paraît-il plus rentable.
La Poste est évidemment bien placée pour offrir avec succès des services financiers, car son réseau de bureaux couvrant tout le pays lui permet d'avoir à la disposition de ses clients un réseau potentiel "d'agences" plus dense que celui de n'importe quelle banque.
Il est vrai que cet avantage se réduit au fil des années, La Poste fermant de nombreux bureaux pour faire des économies. Et si Nicole Fontaine, la ministre déléguée à l'Industrie, affirme qu'il n'est pas question de réduire le nombre de "points de contact" entre La Poste et le public, actuellement au nombre de 17000, cela signifie seulement que les milliers de bureaux de poste qui doivent fermer seront remplacés par des "points poste" chez des commerçants qui accepteront d'effectuer quelques opérations postales. Il en existe déjà 3000, et seulement 14000 véritables bureaux de poste.
La Poste ressemble de moins en moins à un service public et de plus en plus à une entreprise privée, qui vend cher des services de moins en moins satisfaisants, malgré l'autosatisfaction affichée année après année par ses dirigeants. Si l'État lui fixe aujourd'hui comme objectif de relever de 65% à 85% la proportion du courrier qui est distribué dès le lendemain, le courrier dit J+1, c'est bien que très officiellement La Poste ne respecte pas ses engagements en ce qui concerne un tiers du courrier et que cette proportion n'a cessé de croître au fil des années, malgré les promesses répétées des dirigeants d'améliorer les choses.
Mais comment pourrait-il en être autrement, alors que depuis des années La Poste supprime des milliers d'emplois, en remplace des milliers d'autres par des emplois précaires, supprime des tournées pour relever les boîtes aux lettres, supprime des tournées pour distribuer le courrier, augmente toujours la charge de travail des facteurs restants, etc.
Il s'agit de faire des économies, de mécaniser, mais surtout de rentabiliser sur le dos du personnel et des usagers, et de diversifier les activités en se lançant de plus en plus dans des activités financières jugées plus rentables. Les dirigeants de La Poste voudraient faire croire que, si elle finissait par ressembler entièrement à une banque, cela lui permettrait de faire face à la concurrence des postes étrangères et protégerait en quelque sorte les postiers. Mais dans cette course à la rentabilité, où le courrier ne constituerait plus qu'une activité marginale, le personnel et les usagers seraient avant tout des victimes.
Le rapport de la Cour des comptes qui vient de paraître souligne que La Poste pourrait être beaucoup plus rentable si elle réduisait de moitié ses frais de personnel et supprimait la plupart de ses bureaux. La Poste a elle-même calculé qu'en conservant 6000 bureaux de poste seulement, non seulement elle ne perdrait aucun chiffre d'affaires, mais elle améliorerait son bilan financier de 451 millions d'euros! Et en ne conservant que 2 915 bureaux de poste, elle ne perdrait que 3,5% de son chiffre d'affaires, mais gagnerait 644 millions d'euros de bénéfices supplémentaires. Quel que soit le scénario finalement retenu, les usagers devront faire des kilomètres pour certaines opérations et des dizaines de milliers d'employés de La Poste iront gonfler les chiffres du chômage!
Il faudrait au contraire embaucher, dans ce service public comme dans les autres, pour qu'il soit correctement assuré. Il manque partout du personnel, aux guichets pour éviter les files d'attente, à la distribution du courrier pour que celle-ci puisse être effectuée en temps et en heure, à toutes les étapes du traitement du courrier pour qu'il soit acheminé dans les meilleurs délais, etc. Ce n'est peut-être pas "rentable", mais voilà qui permettrait d'embaucher des dizaines de milliers de chômeurs, pour effectuer des travaux qui sont utiles à l'ensemble de la population laborieuse.