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Italie : Les travailleurs de Fiat-Melfi se rebellent
Lundi 26 avril, la police a violemment chargé les travailleurs de l'usine Fiat de Melfi, dans le sud de l'Italie, dont les piquets de grève bloquaient depuis une semaine les entrées de l'établissement. Il s'agissait bien sûr, selon les termes du gouvernement Berlusconi et de la direction de Fiat, d'assurer la «liberté du travail»... d'une quarantaine de cadres en tout et pour tout, qui ont pu rentrer dans l'usine dans deux autocars.
Mais le lendemain, la grève des plus de 5000 ouvriers de l'usine n'en continuait pas moins, tandis que la FIOM, la fédération de la métallurgie de la CGIL -la CGT italienne- appelait à quatre heures de grève de solidarité pour le 28 avril, et que les conséquences de la grève se faisaient sentir dans les autres usines du groupe ou d'autres groupes automobiles, qui commençaient à manquer de pièces.
La détermination des ouvriers de l'usine de Melfi n'a donc pas faibli, dans un pays où pourtant, les grèves illimitées de ce type sont plutôt inhabituelles. Et cette grève, dans ce qui se voulait une usine modèle du groupe Fiat, est symbolique à plus d'un titre.
Melfi, c'est une usine implantée dans une des régions les plus déshéritées du sud de l'Italie. Sous prétexte d'aider au développement du Sud, le groupe Fiat a bénéficié de nombreuses aides et facilités de la part de l'État et des collectivités locales. Il a également obtenu de transgresser les lois sociales et les accords salariaux. Le salaire des travailleurs de Melfi s'établit entre 900 et 1000 euros, environ 100 euros de moins que les ouvriers des usines Fiat du Nord, déjà bien mal payés. Fiat a également imposé, dans cette usine ultra-moderne, une flexibilité totale.
Les travailleurs sont assujettis à des horaires massacrants. C'est par exemple le «coup double», qui consiste en deux semaines, soit 12 jours d'équipe de nuits consécutifs. Puis, après trois jours de repos, c'est encore 18 jours consécutifs de travail. À cela s'ajoutent les cadences infernales dictées par le «TMC2», le système de calcul des temps élaboré par Fiat. Il s'agit d'utiliser au maximum de leur capacité les robots installés dans cette usine: la santé des travailleurs doit passer après. Enfin, dans cette usine créée il y a une dizaine d'années règne une discipline de fer: 9000 sanctions disciplinaires en trois ans, 5000 la dernière année.
Lors de sa création, l'usine avait été présentée comme un miracle de la technologie, dans laquelle une organisation du travail d'avant-garde devait assurer des rapports de type nouveau entre patrons et ouvriers. La grève de Melfi met fin à ce mythe: tout simplement on voit que Fiat comptait sur la dure situation sociale du sud de l'Italie pour faire accepter aux ouvriers des conditions de travail et de salaire et une exploitation insupportables.
Eh bien, les ouvriers de Melfi en grève ne veulent plus de cette organisation du travail et de ces salaires au rabais. Ils comptent bien en imposer la fin, malgré le chantage de la direction Fiat et des autorités, qui déclarent que la grève met en danger l'industrie automobile italienne et menacent de «délocaliser» encore plus loin le travail qu'ils ont déjà «délocalisé» du Nord dans le Sud.
Que ce soit au sud de l'Italie ou au nord, ou même dans d'autres pays, cette grève montre que, heureusement, les travailleurs apprennent vite à se rebeller. Ils le font même d'une façon plus radicale que celle à laquelle les patrons italiens étaient habitués. En quoi ceux-ci récoltent la monnaie de leur pièce.