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- Lutte ouvrière n°1894
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Dans les entreprises
SNCF - L'accord de "prévention des conflits" : Une arme contre les travailleurs
Jusqu'ici, l'exercice du droit de grève à la SNCF, comme dans le restant de la fonction publique, était déjà très encadré, avec le dépôt d'un préavis de cinq jours obligatoire, effectué par les directions syndicales d'un établissement et non par un groupe de travailleurs, même de militants syndicaux.
Le récent accord signé à la SNCF par toutes les organisations syndicales (sauf Force Ouvrière qui a refusé et Sud-Rail qui réserve toujours sa réponse) prévoit qu'avant même de déposer un préavis les organisations syndicales devront saisir par écrit la direction. Une procédure de "concertation" est alors ouverte pendant une période de trois à dix jours ouvrables, au cours de laquelle la seule obligation de la direction est de recevoir une ou plusieurs fois les représentants syndicaux et d'établir un "relevé de conclusions". Si la concertation n'aboutit pas à un accord, un préavis de cinq jours francs peut être déposé. D'après ce texte, si des cheminots veulent exprimer leur colère face à une décision de la direction, ils doivent la retenir pendant 17 ou 18jours!
Les responsables syndicaux qui ont signé cet accord osent prétendre que cela ne change pas grand-chose, car le plus souvent les journées de grève sont décidées longtemps à l'avance. S'il s'agit des journées d'actions organisées rituellement par les organisations syndicales, décidées sans rapport avec l'état d'esprit de la base mais en fonction du calendrier annuel de négociations avec la direction, effectivement un tel accord ne change pas grand-chose.
Il en sera autrement quand il s'agira pour les travailleurs de réagir aux mauvais coups des directions locale ou nationale. Le délai de cinq jours représentait déjà une entrave à ces réactions. Et les mauvais coups des responsables de la SNCF se font sans préavis. C'est une illusion de croire -ou de faire croire- que, par la vertu de la concertation, la direction reculerait au bout de quinze jours sur des mesures à peine décidées. Au contraire, cette période pourra être mise à profit par la direction pour faire pression sur les cheminots concernés afin d'empêcher la grève.
De plus, cet accord fournira la possibilité pour la direction de sanctionner les grévistes qui n'auraient pas respecté "le jeu de l'oie" de l'accord. Ce n'est pas une vue de l'esprit. Depuis les grèves contre les retraites, la direction a sanctionné lourdement des grévistes et des militants par des journées de mises à pied, et la convocation devant le conseil de discipline peut être utilisée en cas de non-respect du préavis.
En fait, cet accord renforce le pouvoir des appareils syndicaux, non pas face à la direction, mais sur leur base militante. En contrepartie de leurs multiples réunions et instances de concertation, les syndicats signataires s'engagent à jouer encore davantage le rôle de filtres des revendications et de gendarmes de l'ordre social à la SNCF.
Quant à l'argument des défenseurs de l'accord, qui consiste à répéter sur tous les tons que "si on ne signe pas, le gouvernement va faire passer une loi et cela sera pire", il révèle son peu de sérieux au moment même où le gouvernement annonce qu'il n'est pas question de renoncer à l'idée d'une loi réglementant encore plus le droit de grève dans toute la fonction publique.