Il y a cent ans : Jaurès présidait à la naissance d'un parti socialiste... pour la lutte de classe.28/04/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/04/une1917.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Divers

Il y a cent ans : Jaurès présidait à la naissance d'un parti socialiste... pour la lutte de classe.

Le téléfilm sur Jaurès, présenté par France 2 le lundi 25 mai, a au moins eu le mérite de montrer clairement que le Parti Socialiste SFIO (Section française de l'Internationale ouvrière) se donnait explicitement pour but à sa naissance la collectivisation des grands moyens de production, par la lutte de classe.

Commémorant le centenaire de la naissance de ce parti, François Hollande, secrétaire actuel du Parti Socialiste, peut toujours déclarer: "Notre parti est l'héritier de la SFIO, née dans la salle du Globe en avril 1905", la ressemblance n'est pas évidente. Mais il est vrai qu'Hollande ajoute à ses ancêtres politiques "d'autres partis et clubs socialistes qui à Epinay, en juin 1971, le refondèrent", ce qui est bien plus proche de la vérité, même si c'est en 1969 que naquit le nouveau Parti Socialiste, le congrès d'Epinay étant celui qui vit Mitterrand réussir son OPA sur cette formation politique.

Dans la SFIO des origines, les ambiguïtés étaient certes présentes. En effet, à la fin du XIXe siècle, le succès rencontré par les idées socialistes dans l'opinion populaire amenait certains hommes politiques à y adhérer, en accommodant les références au socialisme aux besoins de leur carrière. Entre 1899 et 1902, l'un d'entre eux, Millerand, fut même ministre dans un gouvernement où siégeait également le général Gallifet, l'un des généraux qui avait dirigé, trente ans plus tôt, la répression contre la Commune.

Quand les socialistes organisaient la classe ouvrière

Mais le mouvement socialiste comptait aussi dans ses rangs des militants soucieux d'organiser des travailleurs, bravant la répression, et dont beaucoup connurent la prison.

Jusqu'en 1905, les socialistes restèrent divisés en plusieurs partis. Certains, avec Jaurès, avaient soutenu la participation ministérielle de Millerand puis, pendant un temps, le gouvernement du Bloc des gauches, avec les radicaux, qui lui succéda, tandis que d'autres, comme Lafargue, Guesde et Vaillant, militaient pour défendre l'indépendance politique du prolétariat.

Cependant, Jaurès se montrait attaché à l'unification des socialistes et, comme d'autres dirigeants socialistes, il se sentait moralement engagé par l'Internationale ouvrière à laquelle il appartenait. Or, lors du congrès international d'Amsterdam, en août 1904, une résolution fut votée demandant l'unification des socialistes en France. Dans les mois qui suivirent, une négociation s'engagea entre les Français, sur la base des principes de la social-démocratie allemande, le parti le plus important de l'Internationale ouvrière.

Des principes pour l'avenir

Ces principes étaient une mise au point, après les dérives des années précédentes. Ainsi, les socialistes qui s'unifiaient affirmaient "leur commun désir de fonder un parti de lutte de classe qui, même lorsqu'il utilise au profit des travailleurs les conflits secondaires des possédant (...) reste toujours un parti d'opposition fondamentale et irréductible à l'ensemble de la classe bourgeoise et à l'Etat qui en est l'instrument". Ce "parti de classe" se fixait pour objectif de "socialiser les moyens de production et d'échange, c'est-à-dire de transformer la société capitaliste en une société collectiviste ou communiste" et pour moyen "l'organisation économique et politique du prolétariat". Même s'il militait pour "la réalisation des réformes immédiates revendiquées par la classe ouvrière", il n'était pas "un parti de réforme, mais un parti de lutte de classe et de révolution". Conséquence immédiate, il refusa de voter "les crédits militaires, les crédits de conquête coloniale, les fonds secrets et l'ensemble du budget".

Ces principes furent ratifiés par 286 délégués présents à ce congrès qui se tint du 23 au 25 avril 1905. Six mois plus tard, le nouveau parti enregistrait déjà plus de 34000 cotisants dont le quart appartenaient à des fédérations majoritairement ouvrières, la Seine, le Nord, la Gironde et l'Allier.

La SFIO gagna ensuite en influence. En 1906, malgré le refus de certains parlementaires de rejoindre le parti unifié, la SFIO compta plus de cinquante députés, davantage que n'en avaient les groupes éclatés, et leur nombre atteignit 75 en 1910 et 102 sur 595 en 1914.

La faillite

Mais avec ce développement, l'illusion d'une victoire du socialisme par les élections se renforça, alors que les menaces de guerre se précisaient. L'opposition à cet affrontement entre les bourgeoisies rivales pour le repartage du monde semblait commune aux socialistes de tous les pays. La volonté de s'y opposer fut plusieurs fois réaffirmée aussi bien en France qu'en Allemagne et que dans les congrès successifs de l'Internationale, jusque dans les jours qui précédèrent le début de la guerre de 1914.

À la veille du conflit, Jaurès fut assassiné par un exalté d'extrême droite, et nul ne peut dire avec certitude comment il aurait réagi. Mais dès que la guerre éclata, les dirigeants des partis socialistes, en France comme en Allemagne, tournèrent leur veste et appelèrent les travailleurs à y participer au nom de la "patrie". Les principes affirmés en 1905 étaient ouvertement piétinés.

Malgré tout, une fondation utile

Mais il resta cependant dans tous les pays une minorité de militants pour maintenir le flambeau du socialisme et s'insurger contre la barbarie de la guerre impérialiste. Quand une vague révolutionnaire secoua l'Europe en 1917-1920, et que par dizaines de milliers des jeunes travailleurs se tournèrent vers les idées socialistes, ils fournirent au mouvement communiste (l'étiquette "socialiste" étant désormais entachée par la trahison de 1914) une grande partie de ses cadres.

Dans la filiation ainsi établie, la SFIO de 1905 avait joué un rôle capital. Celle qu'évoque les Hollande et les Fabius n'est que son fantôme.

Partager