Aux salariés de montrer «leurs impératifs» !30/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/07/une1926.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Aux salariés de montrer «leurs impératifs» !

Quinze jours après que de Villepin a présenté aux députés le programme de son gouvernement, son «contrat nouvelle embauche», avec sa «période d'essai» de deux ans qui permettra aux employeurs de licencier un salarié sans avoir d'explication à donner et sans indemnité, ou avec une indemnité infime, apparaît de plus en plus clairement pour ce qu'il est, c'est-à-dire une nouvelle remise en cause de la législation du travail.

Ce contrat ne devait toucher, avait-il dit alors, que les «très petites entreprises», n'employant que dix salariés ou moins. Vendredi 24 juin, le même de Villepin, sous prétexte que «la définition des très petites entreprises en Europe est de l'ordre de 20 salariés», n'excluait pas qu'il pourrait en être de même en France. «Il faut prendre en compte les impératifs de l'entrepreneur», a-t-il dit, en affirmant sans rire, à propos des salariés: «Il y aura un accompagnement personnalisé, c'est bien l'essentiel».

Deux jours plus tard, son ministre de l'Économie, Thierry Breton, envisageait la possibilité, «si le contrat nouvelle embauche fonctionne, et je suis sûr qu'il va fonctionner», de faire disparaître ultérieurement les CDI et les CDD pour les remplacer par un nouveau type de contrat, «plus moderne». Dans la bouche d'un ministre au service de la bourgeoisie, cela signifie: beaucoup moins contraignant pour les patrons, sans créer un seul emploi de plus.

Et le «contrat nouvelle embauche» va «fonctionner», en ce sens qu'il ne va évidemment pas manquer d'employeurs pour y recourir. Pas seulement parmi les «très petites entreprises» qui existent aujourd'hui... mais aussi avec toutes celles qui vont être créées pour mettre à profit cette escroquerie si intéressante pour le patronat. La sous-traitance, l'externalisation, la filialisation, l'éclatement des grandes entreprises en une multitude de sociétés plus petites, sont des pratiques déjà si largement répandues qu'on peut prédire sans se tromper que l'on va voir fleurir les «très petites entreprises».

En fait, à petits pas (parce qu'il «ne s'agit pas de heurter», comme dit le ministre de l'Économie), le gouvernement s'emploie à réaliser le rêve du Medef: donner aux patrons la possibilité de débaucher qui ils veulent, comme ils veulent et quand ils veulent.

Cette «modernisation» de l'économie qu'ils mettent en avant, c'est un retour en arrière, vers l'époque où un patron pouvait choisir parmi les demandeurs d'emploi qui se pressaient sur la place publique celui ou ceux qu'il embaucherait pour la journée ou pour une heure!

Et ce n'est pas parce que les patrons et les politiciens à leur service seraient devenus plus humains avec le temps que les choses avaient changé. C'est parce que la classe ouvrière, par ses luttes, a contraint les possédants à renoncer à de telles pratiques.

Alors, il ne faut pas se faire d'illusions. Ce n'est pas simplement en manifestant notre mécontentement dans tel ou tel scrutin que nous pourrons mettre un coup d'arrêt à la régression sociale. D'autant qu'à chaque fois que les partis de gauche ont été au gouvernement (et ils l'ont été quinze ans au cours des vingt-cinq dernières années), ils ont mené une politique qui était dans la continuité de celle de leurs prédécesseurs.

Ce n'est qu'en montrant sa détermination et sa colère que le monde du travail pourra faire reculer le patronat et les gouvernants à son service. Cela demandera des efforts? Sans doute. Mais moins que ceux qu'on nous impose pour gagner de plus en plus mal notre vie.

Et puisque l'époque des vacances d'été s'ouvre, profitons-en pour reprendre des forces et du moral. Pas seulement pour supporter une nouvelle année d'exploitation. Mais pour nous préparer à la contre-offensive qui s'impose.

L'été sera peut-être brûlant. Mais il faudrait surtout que l'automne soit suffisamment chaud pour montrer aux possédants qu'ils ont eu tort de trop tabler sur la passivité des travailleurs.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 27 juin

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