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Michelin – Poitiers : Fermeture pour cause de profits
L'usine Michelin installée à Poitiers et qui fabrique des pneus pour les véhicules poids lourds va fermer. L'annonce de la fermeture a été faite mercredi 22juin. Sur les 482salariés encore présents sur le site, qui en a compté jusqu'à 1200, 130 partiront en préretraite et 300 autres se verront proposer un reclassement dans une autre usine du groupe. La cinquantaine de travailleurs restant intégreraient, selon la direction, une plate-forme logistique - sorte de magasin central qui réceptionnerait les pneus fabriqués dans d'autres usines, notamment Joué-lès-Tours, Cholet... - installée dans les locaux de Poitiers.
Lorsque la nouvelle a été connue, les travailleurs se sont regroupés pour commenter la situation. Apportant son commentaire à propos de ce jour non travaillé, le directeur a déclaré dans la presse locale: «Nous ne sommes pas là pour provoquer et la journée de mercredi sera comptée comme travaillée». Cette soudaine mansuétude répondait surtout à l'émoi suscité dans l'usine et en ville, mais elle n'a pas dépassé 24 heures puisque, le lendemain matin, l'encadrement mettait la pression pour relancer la production.
Lors d'une réunion sur l'emploi chez Michelin, organisée entre la direction et les syndicats il y a quelques mois, à la sous-préfecture de Châtellerault, le directeur avait montré toute sa suffisance face aux militants syndicaux qui lui demandaient de s'expliquer quant à l'avenir du site de Poitiers. Il avait alors déclaré se réserver le droit de communiquer ce qu'il voulait, où il le voulait, quand il le déciderait. La sous-préfète, qui présidait cette rencontre, n'y trouva évidemment rien à redire et la réunion fut close.
Les responsables politiques locaux, de droite comme de gauche, étalent leur «consternation» ou leur «colère» dans la presse locale, mais surtout leur refus de vouloir imposer quoi que ce soit aux actionnaires de Michelin. Ainsi Jean-Yves Chamard, député UMP, en est réduit à demander à Michelin de faire «un effort (...) pour amener à Poitiers d'autres activités». Le député PS de la circonscription, Alain Clayes, se cantonne au caractère, d'après lui, «incompréhensible de cette décision». Le président UMP du Conseil général déclare qu'il étudiera «les moyens à mettre en oeuvre pour pallier cette fermeture programmée», annonçant ainsi que les fonds publics paieront les pots cassés par ce groupe privé. Ségolène Royal, présidente PS de la région, demande quant à elle «un moratoire sur le plan de restructuration». Un moratoire pour quoi faire? Elle ne le dit pas, bien évidemment, tant cette déclaration est de pure forme et ne changera de toute façon rien à la situation.
En 2004, Michelin a fait des profits en hausse de 60% par rapport à 2003. Alors, maintenir les emplois à Poitiers serait possible en prenant sur ces bénéfices et sur la fortune accumulée des actionnaires, à commencer par la famille Michelin.
La direction impose un véritable chantage aux salariés, avec pour alternative le licenciement ou la mutation, loin de leurs attaches et de la vie qu'ils ont construite ici. Le directeur évoque aussi le transport en navettes à partir de Poitiers vers d'autres sites de production, comme Joué-lès-Tours (à plus de 100km de là), ce qui reviendrait à rajouter le temps de transport. Tout cela, ajouté à la fatigue du travail en équipe, ferait des journées à n'en plus finir pour des salariés dont la moyenne d'âge avoisine les 50 ans.
Ceux des travailleurs qui partiront en préretraite verront leurs revenus diminuer. Quant à la plate-forme logistique, certains prédisent sa probable externalisation, avec des conditions bien moins favorables pour les salariés.
Pour exprimer leur colère face à la direction, près de 150 travailleurs se sont retrouvés devant la porte de l'usine, le mardi 28 juin, à l'appel des syndicats CGT et SUD. Après des prises de parole, ils sont partis manifester en direction du centre-ville où une délégation doit être reçue à la préfecture. Certains parlent d'organiser une journée de mobilisation interprofessionnelle départementale, car les usines qui suppriment des emplois sont nombreuses dans le département.
Les travailleurs ne peuvent décidément compter que sur eux-mêmes, et c'est bien collectivement qu'ils pourront riposter aux attaques des patrons.