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- Lutte ouvrière n°2032
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Leur société
Le travail nuit gravement à la santé.
Loin des beaux discours sur la " valeur du travail ", une récente enquête du ministère de l'Emploi donne la mesure de la réalité des conditions de travail actuelles.
Selon cette enquête, en France, le travail blesse, tue et rend malade, à raison de deux morts par jour dues à des accidents, de huit morts par jour dues à l'amiante, et de 2,5 millions de salariés exposés quotidiennement à des produits cancérigènes.
En dix ans, les cas de maladies professionnelles reconnues et indemnisées ont été multipliés par dix, passant de 4 000 en moyenne dans les années 1980 à 40 000 en 2005. L'essentiel de cette augmentation serait due aux pathologies périarticulaires (provoquées par les " efforts répétitifs sous fortes contraintes de temps " - autrement dit, le travail à la chaîne) et aux maladies liées à l'amiante.
Enfin, la France détient le record européen d'inégalité masculine devant le cancer : un ouvrier a quatre fois plus de risques de mourir de cette maladie entre 45 et 54 ans qu'un cadre supérieur.
Les industriels et employeurs traînent évidemment des pieds avant de reconnaître leur responsabilité dans les maladies qui touchent leurs salariés. Nombre de scientifiques viennent d'ailleurs à leur secours en affirmant que les seules causes du cancer seraient le tabac, l'alcool et certains comportements alimentaires.
Mais là encore, un programme de recherche engagé depuis cinq ans en Seine-Saint-Denis sur les cancers professionnels donne des statistiques édifiantes : la reconstitution des parcours professionnels de 650 patients montre que plus de 80 % d'entre eux ont subi, dans le cadre de leur travail, une exposition longue et permanente à de nombreux cancérigènes connus. Parmi les hommes, les plus touchés ont exercé dans les métiers du bâtiment, du travail des métaux, de la réparation automobile, de l'imprimerie. Ils sont pour la plupart manoeuvres, ouvriers de maintenance, manutentionnaires, chauffeurs-livreurs et conducteurs d'engins, particulièrement exposés aux hydrocarbures polycycliques aromatiques (composés présents dans les fumées de combustion, ou dans certains revêtements de route), au benzène, aux gaz diesel et à l'essence, mais aussi à d'autres cancérigènes, notamment dans les opérations de maintenance, entretien ou nettoyage. Quant aux femmes interrogées, leurs postes de travail impliquent souvent une activité de nettoyage. Les cancérigènes proviennent alors de produits tels que le formol et les solvants chlorés.
Reste que les salariés qui veulent faire reconnaître leur maladie comme " professionnelle " se heurtent à plusieurs obstacles : d'abord, beaucoup de produits contenant des cancérigènes ne figurent pas dans la réglementation sur les maladies professionnelles ; ensuite la précarité du travail fait que nombre de parcours, marqués par les changements d'emploi, ne permettent pas de démontrer un " lien direct " entre le travail et le cancer.
Dans cette société, ceux qui " prennent des risques " pour le profit des grands actionnaires, ce sont les travailleurs. Des risques le plus souvent passés sous silence, mais réels et quotidiens, et dont l'enjeu est la santé et la vie des salariés.