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Dans le monde
La crise financière s'étend : L'État américain à la rescousse des grandes banques
Née de la crise du crédit immobilier aux États-Unis, la crise financière s'étend. Et, depuis longtemps, plus seulement en Amérique.
À nouveau, de grandes banques viennent d'être secouées par les contre-coups de la spéculation sur l'immobilier : ici, il y a le Crédit Agricole, dont la direction est accusée d'avoir joué, et perdu, des fonds de ses caisses régionales. Ailleurs, on trouve dans des situations similaires la belgo-hollandaise Fortis ; le géant américain Citigroup a dû vendre son réseau en Allemagne pour trouver de l'argent frais, alors qu'il croule sous les créances irrécupérables ; affaiblie par cette crise, la britannique Alliance & Leicester vient, elle, de passer sous la coupe de Santander.
Aux États-Unis même, IndyMac vient de déposer son bilan c'est la troisième plus grande faillite bancaire de la période récente en Amérique. Spécialisée dans des crédits présentés comme moins risqués que les « subprimes », elle a vu ses clients se ruer aux guichets et y retirer 1,3 milliard de dollars en deux semaines. Elle avait déjà publié un bilan faisant état de pertes et son action, qui cotait 45 dollars début 2007, ne valait plus que 28 cents début juillet : 160 fois moins en un an et demi !
La FDIC, l'organisme fédéral chargé de la sécurité des banques de dépôt, va gérer IndyMac le temps de trouver un repreneur. Mais on imagine dans quelle situation se trouverait cette même FDIC si d'autres faillites devaient suivre (ce que tout laisse à penser) quand on sait que cette opération, qui va coûter 8 milliards de dollars aux contribuables américains, absorbe déjà 15 % de tout le capital de la FDIC !
Des piliers du système bancaire ébranlés
Le cas d'IndyMac peut pourtant sembler de peu de conséquences au regard de ce qui vient de pousser le Trésor américain à intervenir une nouvelle fois. Quatre mois après avoir déjà dû intervenir pour secourir la banque Stearns, il vient d'annoncer un plan de sauvetage de grande ampleur, au profit des deux principales institutions de garantie des crédits immobiliers dans ce pays, Freddie Mac et Fannie Mae. Alors qu'elles reconnaissaient avoir perdu 11 milliards de dollars en neuf mois et que leurs actions perdaient la moitié de leur valeur en une séance de Bourse, des commentateurs ont avancé l'hypothèse - impensable il y a peu encore, tant ces géants étaient réputés inébranlables - de leur faillite.
Créées en 1938 et 1970 par l'administration américaine, « Freddie » et « Fannie » ont été ensuite privatisées. Mais, bien que cotées en Bourse, elles disposent d'une garantie fédérale en échange du fait qu'elles se chargent du refinancement des banques commerciales de crédit hypothécaire. Cela consiste à racheter leurs prêts immobiliers, donc à leur éviter d'avoir des capitaux gelés pendant des dizaines d'années, puisque cela leur procure de nouvelles liquidités pour poursuivre et élargir leurs activités.
Les créances ainsi garanties ou détenues par les deux institutions se montent à 5 200 milliards de dollars. C'est la moitié de tous les crédits hypothécaires consentis aux États-Unis. Autant dire que tout le système du crédit immobilier dépend de ces agences de refinancement. Et, en grande partie, l'ensemble du système bancaire, et pas seulement outre-Atlantique. En effet, tous les établissements de par le monde ont spéculé sur la hausse continue de ces crédits. De plus, les crédits rachetés par « Freddie » et « Fannie » étaient transformés en obligations garanties, lesquelles ont à leur tour été placées auprès des grosses sociétés et des États un peu partout dans le monde. Et cela d'autant plus facilement que ces deux établissements étaient réputés très fiables. À tort, on le constate.
Les risques d'une crise majeure
Avec l'ébranlement de Freddie Mac et de Fannie Mae, ce qui se profile est un risque de gel de tout le système de refinancement bancaire, et pas seulement dans le domaine immobilier. Mais surtout, il y a un risque de dépréciation des avoirs des grandes banques et entreprises, et aussi de divers États, ce qui aurait des répercussions économiques mondiales incalculables.
Dès que le Trésor américain a montré qu'il volait au secours de « Fannie » et de « Freddie », leurs actions sont reparties à la hausse, tandis que les titres du Trésor américain baissaient, le dollar aussi.
Les « marchés », autre nom des spéculateurs, ont donc apprécié qu'une fois encore les autorités remplissent leur rôle de pompier au service du capital, en puisant dans les fonds publics. Et depuis des mois, elles s'y emploient activement comme leurs homologues européennes ou japonaises. Ce sont ainsi des milliards de dollars, d'euros, de yens, de livres que les États ont déversés dans ce trou sans fond creusé par la spéculation. Ou, faut-il dire, par les conséquences folles d'un système capitaliste où spéculer sur tout ce qui rapporte vite et gros - les crédits immobiliers hier, les « nouvelles technologies » avant-hier, et maintenant que cela ne rapporte plus assez, le pétrole et les matières premières - n'est qu'une des formes normales de la course au profit.
Le fonctionnement normal du système capitaliste
Ce fonctionnement du capitalisme a, avec la seule crise des crédits immobiliers devenue une crise financière de large ampleur, déjà englouti des sommes fantastiques. Ces masses d'argent peuvent sembler d'autant plus abstraites qu'elles sont énormes. Mais elles sont le résultat du labeur de dizaines, de centaines de millions d'êtres humains dans le monde.
Les détenteurs du capital accaparent la meilleure part de la richesse produite par le monde du travail, et les spéculateurs - en fait les mêmes - peuvent dilapider en un instant ce qu'il en reste. Et souvent c'est ce qui est indispensable à la survie des travailleurs et de leur famille, comme on le voit dans le Tiers Monde avec les émeutes de la faim provoquées par la spéculation sur les produits alimentaires. Quant aux États, ils sont là pour imposer des sacrifices aux travailleurs ; c'est qu'il en faut sans cesse de nouveaux pour faire face aux conséquences dramatiques du système capitaliste.