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- Lutte ouvrière n°2104
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Editorial
Parti Socialiste : Derrière le mauvais spectacle, rien qui concerne les travailleurs
Au Parti Socialiste, le psychodrame a trouvé une conclusion, au moins provisoirement. Rivales pour le poste de premier secrétaire, Martine Aubry et Ségolène Royal n'auraient été départagées que par 102 voix sur le vote de 137 000 militants. Du haut de ces 102 voix d'avance, Martine Aubry a été proclamée vainqueur, sans que cela fasse taire les contestations de Ségolène Royal.
Les deux concurrentes se sont accusées mutuellement, par l'intermédiaire de leurs seconds couteaux, de triches, de magouilles, de fraudes, de faux en écriture et autres amabilités. Il était même question d'aller devant la justice. Spectacle d'autant plus lamentable que bien malin celui qui peut expliquer en quoi la politique proposée par l'une et celle proposée par l'autre sont différentes. En dehors des noms d'oiseaux envoyés au camp adverse, le discours de l'une comme de l'autre consiste à décliner, chacune à son tour, les mots " modernisation ", " renouvellement ", " place aux jeunes ".
La querelle s'est faite un peu plus politique lorsque Martine Aubry a reproché à Ségolène Royal de faire les yeux doux à Bayrou et donc de chercher des alliés pour le PS sur sa droite. Mais Ségolène Royal n'a pas eu de mal à répliquer que cette alliance sur sa droite, Martine Aubry la pratique en sa mairie de Lille.
Du coup, Bayrou s'est invité à son tour dans le débat. Saluant tour à tour les " qualités " de Royal, puis d'Aubry, il s'est posé en rassembleur de tous ceux qui, lors de la prochaine élection présidentielle, veulent s'opposer à Sarkozy.
Aberrante, l'ambition ? Mais, après tout, lors de ce congrès d'Epinay de 1971 qui passe pour le moment fondateur du Parti Socialiste d'aujourd'hui, c'est Mitterrand, un homme venant de la droite du PS, qui avait arbitré les querelles internes à la direction de ce parti et qui s'était imposé comme premier secrétaire. Lorsqu'il avait posé sa candidature au poste de premier secrétaire du PS, il n'en était même pas membre. Il avait pris sa carte d'adhésion en même temps que son fauteuil de premier secrétaire. Mais il est vrai que n'est pas Mitterrand qui veut. Avant de prendre la direction du PS, ce politicien madré avait une longue carrière de ministre derrière lui et une auréole d'homme de gauche, récemment adoubé comme tel par un PCF alors puissant qui, lors de la présidentielle de 1965, s'était effacé devant lui sans contrepartie.
Sarkozy et les siens ont évidemment des raisons de se gausser de la zizanie à la tête du PS, et ils ne s'en privent pas.
Mais les travailleurs, s'ils n'ont pas de raisons de se réjouir des déboires du PS, n'ont pas non plus à s'en attrister. Si, comme l'affirment les commentateurs, le PS est " inaudible " face au pouvoir de droite, sa politique et ses mesures antiouvrières, alors que la crise économique s'aggrave, ce n'est pas à cause des divisions à sa tête. C'est parce qu'il n'a pas une autre politique à proposer que celle qui consiste à permettre au grand patronat, aux banquiers, à la classe capitaliste, de traverser la crise avec le moins de dégâts possible pour leurs profits.
Rien de concret, en revanche, pour préserver les intérêts des travailleurs face à la catastrophe sociale qui s'annonce. Rien pour préserver leurs emplois face aux licenciements, rien pour défendre le pouvoir d'achat des salaires et des retraites.
Oh, les dirigeants du PS sont capables de plaindre les salariés que leurs patrons licencient et de déplorer la misère qui monte ! Mais, même par démagogie électorale, ils ne veulent pas parler de prendre sur les profits accumulés depuis tant d'années par la bourgeoisie de quoi financer le maintien des emplois et du pouvoir d'achat des travailleurs. Ils ont critiqué le fait que les dizaines de milliards d'euros distribués aux banquiers sous prétexte de sauver le système financier l'aient été sans que l'État exige au moins une participation dans ces banques. Mais ils n'ont pas contesté la distribution de ces milliards.
Alors, il n'y a rien à attendre de la querelle à la tête du PS. Le changement de politique qu'il est vital d'imposer pour que la crise soit payée par ses responsables, et pas par ses victimes, ne viendra pas du PS. Il ne pourra venir que d'en bas, que d'une explosion sociale assez puissante pour faire peur aux patrons, aux banquiers et à leurs hommes de main de la politique, afin de les obliger à prendre sur leurs richesses de quoi empêcher la classe travailleuse de s'enfoncer dans la pauvreté.