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Île Maurice : Élections législatives
Communautarisme et candidats interchangeables
Le 5 mai prochain la population de l'île Maurice, située dans l'océan Indien, à l'est de La Réunion, se rendra aux urnes pour élire des nouveaux députés au Parlement et, par voie de conséquence, le prochain Premier ministre. Le samedi 17 avril, lors de la Nomination Day, jour du dépôt des listes, 545 candidatures ont été enregistrées, dont 104 ont été finalement rejetées, surtout parce que les candidats ont refusé de mentionner leur appartenance ethnique comme la loi les y oblige.
La déclinaison de l'appartenance ethnique est une règle constitutionnelle imposée par l'administration coloniale britannique en 1958 et qui s'est maintenue y compris après l'indépendance de l'île en 1968. La Constitution reconnaît toujours quatre communautés : hindoue, chinoise, musulmane et une communauté dite « générale » qui regroupe les créoles.
Les candidats « rejetés » n'ignoraient évidemment pas cet article, mais le refus de s'y plier était pour eux une façon de dénoncer cette forme de communautarisme en demandant la révision de la Constitution. Les plus importants partis acceptent la loi et s'arrangent pour placer leurs candidats dans les différentes circonscriptions en fonction de leur communauté respective.
Parmi les différents partis qui se présentent, il y a deux grandes coalitions. Celle de l'Alliance pour l'avenir, composée par le Parti travailliste (PTr), le Parti mauricien social-démocrate et le Mouvement socialiste militant. La seconde coalition a pour nom l'Alliance du cour, elle regroupe le Mouvement militant mauricien (MMM), l'Union nationale et le Mouvement mauricien socialiste démocrate. Tous ces partis se sont retrouvés dans des gouvernements successifs, toujours au sein de coalitions, tantôt aux commandes, tantôt dans l'opposition.
L'actuel Premier ministre et leader du PTr, Navin Ramgoolam, conduit l'Alliance pour l'avenir. Le chef de file de l'Alliance du cour, qui forme aujourd'hui l'opposition, est Paul Bérenger, leader du MMM. Entre 1982 et 2005, ce dernier fut à plusieurs reprises membre du gouvernement, où il occupa tour à tour les postes de ministre des Finances, ministre des Affaires étrangères, vice-Premier ministre (dans un gouvernement de coalition avec le PTr) et même le poste de Premier ministre.
L'actuel gouvernement dit de l'Alliance sociale, au pouvoir depuis 2005, a multiplié en cinq ans les mesures au profit des capitalistes mauriciens (et aussi étrangers). Parmi elles il y eut l'Employment Relations Act et l'Employment Rights Act, deux lois qui rendent les emplois plus précaires et facilitent les licenciements, notamment en réduisant le délai de préavis de trois mois à un mois.
Ces dernières années, des licenciements massifs ont eu lieu dans l'industrie sucrière, le textile et l'hôtellerie. Plus de 20 000 travailleurs du secteur sucrier ont été contraints de partir en retraite anticipée, alors même que des mesures étaient prises pour accroître les revenus des planteurs, des plus gros d'entre eux en l'occurrence. Dans l'industrie du tourisme, de grands groupes hôteliers ont accaparé les terres nécessaires à la construction de leurs établissements, souvent de luxe, en expulsant des populations sans ménagement. En juin 2006, le gouvernement voulut supprimer la distribution de pain dans les écoles primaires. La mobilisation des familles ne se fit pas attendre et le gouvernement dut remballer son projet.
À l'approche des élections, Ravin Ramgoolam du Parti travailliste a de nouveau fait semblant de s'intéresser au sort des plus démunis, allant même jusqu'à dire que Paul Bérenger, son principal opposant, avec qui il a gouverné, l'a empêché de prendre « l'argent des gros capitalistes » en refusant l'instauration d'une taxe « sur les barons sucriers ». La démagogie étant bien partagée, Bérenger (du MMM) affirme de son côté avoir choisi « la lutte des travailleurs ».
Dans cette île qui compte plus de 1,2 million d'habitants et où le taux de chômage a fortement progressé, les classes populaires ont de plus en plus de mal à vivre avec des salaires qui restent bas. Plus de 100 000 personnes vivent avec moins de 95 euros par mois, ce qui est très peu, vu les prix pratiqués à Maurice. La population laborieuse de l'île n'a en fait rien à espérer de tous ces politiciens, y compris de ceux qui, surtout en période électorale, se parent de références socialisantes.