Les maîtres-chanteurs et leurs complices28/07/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/07/une2191.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Les maîtres-chanteurs et leurs complices

Depuis l'exemple de l'usine Bosch de Vénissieux, en 2004, le chantage à l'emploi est devenu une pratique patronale courante, qui consiste à dire aux salariés qu'il leur faut accepter des sacrifices pour ne pas être obligés d'aller pointer au bureau de chômage. Et bien sûr, si ces sacrifices sont bien réels, il n'y a aucune garantie que les engagements patronaux soient tenus, comme l'a montré l'exemple de l'usine Continental de Clairoix. En septembre 2007, la direction y avait arraché l'approbation de la CFTC pour un « accord » prévoyant le passage de la durée de travail hebdomadaire de 35 à 40 heures pour un même salaire, accord qui devait garantir la pérennité de l'usine jusqu'en 2012 au moins, mais qui n'avait pas empêché le groupe Continental d'annoncer la fermeture de l'usine en mars 2009.

Le dernier exemple en date est celui de l'usine General Motors de Strasbourg, à la recherche d'un repreneur depuis des mois, et que le groupe General Motors propose finalement de reprendre lui-même. Mais là, la direction ne s'est pas contentée de rechercher l'accord d'un ou de quelques syndicats prêts à accéder à ses exigences. Elle a posé comme condition qu'il fallait que cet accord soit signé par tous les syndicats de l'entreprise car ce qu'elle veut obtenir ce n'est pas seulement du travail gratuit par le renoncement des salariés à une partie de leurs RTT, mais c'est aussi ce qu'elle appelle la « paix sociale », c'est-à-dire que les organisations syndicales renoncent pour l'avenir à toute revendication, à toute contestation des décisions patronales.

Qu'il se soit trouvé des organisations syndicales pour accepter ce marché de dupes et même pour organiser, avec la bénédiction de la direction, un référendum destiné à donner une allure démocratique à ce qui en était à l'opposé, n'est pas le plus scandaleux. Que, dans ces conditions, 70 % de l'ensemble du personnel, cadres et maîtrise compris, aient voté pour l'acceptation du plan de la direction n'est pas surprenant : on ne vote pas librement quand on vous met un couteau sous la gorge ! Il n'en reste pas moins que 30 % des votants, beaucoup plus en ce qui concerne le personnel ouvrier, ont dit, à juste raison, non à ce diktat.

Mais les choses n'en sont pas restées là. Dès le lendemain, la presse régionale a publié un « Appel à la raison », signé de nombreux politiciens locaux, y compris de l'ancienne ministre socialiste Catherine Trautmann, appelant la CGT qui avait pris position en faveur du « non » à se renier et à donner sa signature. Pour qui avait encore des doutes, tous ces gens-là sont bien dans le camp du patronat. Du côté des organisations patronales comme du gouvernement, des pressions se sont exercées pour essayer de faire capituler ceux qui osaient s'opposer à la volonté de General Motors.

Et le comble, c'est que les militants de la CGT ont subi des menaces physiques et des coups. Il s'est trouvé des syndicalistes dévoyés pour prendre part à ce scandale, sous prétexte que, puisqu'il y avait eu une majorité du personnel en faveur de l'acceptation du diktat patronal, la CGT n'avait plus qu'à signer : c'est comme si on disait que puisque la majorité des électeurs a voté pour Sarkozy en 2007, l'opposition n'avait plus qu'à approuver tout ce qu'il faisait ! Mais le vrai responsable de ces menaces et de ces violences, c'est la direction de General Motors, même si elle n'apparaît pas sur la scène, même si elle laisse le soin d'exécuter ses basses oeuvres à sa maîtrise et à quelques excités.

Le cas de General Motors est devenu une affaire nationale, car il témoigne de la volonté du patronat d'essayer de démontrer que les travailleurs n'ont pas d'autre choix que d'accepter toutes les mesures qu'il prend pour augmenter ses profits malgré la crise de son système. Le patronat bénéficie de la complicité de l'État dont toutes les mesures sont destinées à imposer de nouveaux sacrifices aux travailleurs, pour permettre aux Bettencourt et à leurs semblables de continuer à s'enrichir.

C'est pourquoi les salariés de General Motors qui refusent de capituler dans ce conflit ont raison. Ils ont droit à la solidarité de tous les travailleurs. Et la meilleure manière de témoigner de cette solidarité, c'est de nous préparer à mettre par la lutte un coup d'arrêt aux attaques de la bourgeoisie et de son État.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 26 juillet

Voir nos articles sur GM cette semaine

Partager