- Accueil
- Lutte ouvrière n°2196
- Retraites - Sécurité sociale : C'est aux patrons de payer
Leur société
Retraites - Sécurité sociale : C'est aux patrons de payer
Pas une semaine sans qu'un ministre, ou Sarkozy lui-même, y aille de son couplet sur « le trou abyssal des déficits » des caisses de retraite et plus généralement de la Sécurité sociale. Et chacun d'en rajouter pour tenter de justifier les attaques sur les retraites contenues dans le projet de loi du gouvernement, en osant même invoquer « la solidarité nécessaire entre générations », car « il ne faudrait pas laisser aux générations futures » la tâche de faire face à cette situation.
Outre qu'aujourd'hui ces déficits sont une plaisanterie à côté des déficits cumulés du budget de l'État - eux vraiment laissés aux générations futures - la réalité de l'évolution des cotisations sociales entre salariés et employeurs donne un tout autre éclairage de la réalité.
Tout d'abord, il faut rappeler que pour tous les salariés du privé - donc hors tous les fonctionnaires, d'État, des collectivités locales et de la fonction publique hospitalière - les retraites reversées par la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, sont prises sur les cotisations sociales globales payées par les salariés et leurs employeurs. Cette retraite Sécurité sociale n'assure qu'une partie des retraites, au maximum 50 % du salaire brut de référence calculé sur les ving-cinq meilleures années. À cela s'ajoutent les pensions versées par les caisses de retraites complémentaires.
LES EMPLOYEURS PAYENT DE MOINS EN MOINS
En ce qui concerne l'évolution des seules cotisations Sécurité sociale payées par les employeurs et les salariés du secteur privé, elles ont progressé de façon considérable pour les salariés et chuté de façon gigantesque pour les employeurs, ce qui n'empêche pas ceux-ci de crier au loup en osant encore se plaindre.
Les principales mesures qui ont fait baisser les cotisations Sécurité sociale payées par les employeurs ont été les exonérations de cotisations décidées par les gouvernements successifs. Elles sont tellement nombreuses qu'il est impossible d'en faire l'énumération, parfois réservées à certains secteurs ou à certaines zones géographiques, ou d'ordre général, sur les bas salaires par exemple. Le total de ces exonérations de cotisations au bénéfice des employeurs a atteint 31 milliards d'euros pour 2008, et devrait rester au même niveau en 2009 et 2010. La raison en est simple. La principale mesure d'exonération concerne les salaires qui vont du smic jusqu'à 1,6 fois celui-ci, c'est-à-dire près de 2 150 euros brut mensuels. C'est-à-dire l'immense majorité des salariés du pays. Ces exonérations de cotisations sont quasiment totales au niveau du smic, mais moins importantes au fur et à mesure que le salaire augmente. C'est dire si les employeurs sont doublement intéressés à ramener le plus possible les salaires vers le bas, avec ce bonus aux bas salaires. Dans cette période de chômage, ce sont les salaires dans leur ensemble qui sont tirés vers le bas, ce qui provoque du coup une augmentation mécanique des allégements de cotisations Sécurité sociale au bénéfice des patrons.
Selon les chiffres publiés dans l'hebdomadaire de la confédération FO, en août, le coût global pour un employeur d'un salarié payé au smic, grâce à ces allégements de cotisations, serait aujourd'hui le même qu'en 1992, il y a donc dix-huit ans. Inutile de rappeler que certains prix, eux, ont quasiment doublé, voire plus, dans le même temps. C'est dire la masse de profits que cela a générée.
LES SALARIES COTISENT DE PLUS EN PLUS
Parallèlement, de 1980 à 2006, les cotisations Sécurité sociale des salariés, CSG-CRDS comprises, auraient augmenté de plus de 63 %, passant de 9,5 % à 15,5 % du salaire brut.
Et sur la même période, de 1980 à 2006, sans tenir compte des exonérations de cotisations, les seules cotisations vieillesses de la Sécurité sociale ont augmenté de 20,73 % pour les employeurs, passant de 8,20 à 9,90 % du salaire brut. Pendant ce temps les cotisations des salariés sur ce même chapitre ont, elles, augmenté de 43,6 %, passant de 4,7 à 6,75 % du salaire brut. Les cotisations à la CNAV ont donc augmenté deux fois plus vite pour les salariés, en faisant un cadeau supplémentaire aux employeurs et en creusant ainsi un véritable déficit au détriment de la caisse de retraite.
Alors, sans parler des trous creusés par l'État qui ne compense même pas totalement ses allégements de cotisations, du non-financement du Fonds de solidarité vieillesse, du pillage par l'État du fonds de garantie des retraites, on se rend compte que mettre fin aux déficits de tous ordres ne serait pas difficile, sans parler de la fin du chômage de masse. Il suffirait de remettre en cause les formidables cadeaux des allégements de cotisations, de ramener l'évolution des cotisations patronales au niveau de celle des salariés, en faisant payer les arriérés. Cela suffirait pour, d'un coup, combler ces prétendus « trous abyssaux ». Ce ne serait pas la révolution, mais simplement revenir à la situation de 1980, une époque où les patrons ne se portaient pas si mal. Mais même ces ajustements de simple justice, il faudra lutter avec détermination pour les conquérir et faire rendre aux patrons et à l'État ce qu'ils ont volé.