Égypte : Les Frères musulmans invités à la table des négociations10/02/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/02/une-2219.gif.445x577_q85_box-0%2C14%2C164%2C226_crop_detail.png

Dans le monde

Égypte : Les Frères musulmans invités à la table des négociations

Après avoir proclamé qu'ils n'iraient pas, des représentants de la confrérie des Frères musulmans se sont finalement rendus, le 6 février, à la table des négociations organisée par le vice-président égyptien Omar Souleiman. Ils n'ont d'ailleurs pas agi différemment des représentants du Wafd, petit parti de droite jouant le rôle d'opposant de Sa Majesté, et de ceux du Tagammu, son équivalent de gauche, où se retrouvent également un certain nombre de militants communistes.

Officiellement illégale mais en fait tolérée, la confrérie s'était retirée de la farce des élections législatives de novembre dernier, après n'avoir recueilli aucun siège lors du premier tour. Elle y avait pourtant présenté 129 candidats, sous l'étiquette « indépendants », pour 508 sièges à pourvoir à l'Assemblée, mais le gouvernement avait, bien plus encore qu'aux élections précédentes, organisé fraude et bourrage des urnes, de telle sorte que seuls les candidats du PND, le parti de Moubarak, puissent occuper les sièges. Il s'agissait alors, pour le dictateur, de s'assurer tous les soutiens nécessaires en vue de l'élection présidentielle de septembre 2011, qu'il se représente ou qu'il transmette le poste à son fils Gamal.

Lors des précédentes législatives, en novembre 2005, de nombreux candidats avaient pu se présenter sans trop d'entraves et 88 sièges avaient été remportés par des « indépendants » membres de la confrérie, reconnaissables à un symbole ou au slogan « l'islam est la solution ». Le mouvement s'était donc retrouvé à constituer un cinquième environ des députés, ce qui donnait une image plus réaliste de son poids dans la société égyptienne.

À leur fondation en Égypte en 1928, les Frères musulmans bénéficiaient, au minimum, de la bienveillance des autorités britanniques et de la monarchie. Seule la République de Nasser a maintenu le mouvement à distance, surtout après la tentative d'attentat dont celui-ci avait été victime, en 1954. Les Frères musulmans furent alors réprimés et emprisonnés, à l'instar des militants communistes. Mais avec Sadate, dès 1970, comme avec Moubarak, à partir de 1981, des relations d'opposition tolérée, car utile, se sont instaurées avec le pouvoir.

Anticommunistes et réactionnaires, les Frères musulmans ont prospéré, comme dans d'autres pays arabes, en jouant auprès de la population un rôle social qu'aucune autre institution ne remplissait. Alors que la privatisation enrichissait une couche de privilégiés, de capitalistes occidentaux et de banques, elle réduisait en effet les quelques protections sociales apportées par le régime de Nasser.

Cours du soir, aide aux devoirs, distribution de repas et de vivres, centre de soins et dispensaires... les domaines de l'éducation et de la santé dans les quartiers pauvres ont été en quelque sorte abandonnés au bon vouloir intéressé des Frères musulmans. Certains représentants n'en étaient pas moins régulièrement réprimés et emprisonnés par le régime de Moubarak. Cependant, sur le plan politique, les Frères musulmans ont constamment pris parti contre les petits paysans spoliés de leurs maigres terres par les grands propriétaires amis du régime. De même, lors des importants mouvements de grèves ouvrières de 2007 et 2008, ils se sont placés dans le camp du patronat, leurs députés votant avec le PND contre les grévistes et leurs revendications.

C'est ce mouvement qui, de parti officieux, pourrait devenir un des partis soutenant officiellement le pouvoir égyptien. Mais en fait il y a longtemps que les Frères musulmans exercent une large emprise sur la société égyptienne et lui imposent leur morale fondamentaliste qui se traduit, par exemple pour les femmes, par la généralisation du port du voile. Un parti qui, décidément, peut être bien utile au pouvoir pour restaurer une stabilité sociale ébranlée.

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