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- Lutte ouvrière n°2224
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Editorial
Une catastrophe naturelle amplifiée par une incapacité sociale
Aucun être humain ne peut rester indifférent devant les images de morts et de destructions rapportées du Japon.
Ce n'est pas tant le tremblement de terre qui a tué directement, mais le tsunami, les vagues géantes qu'il a provoquées sous la mer. Nombre d'immeubles ont résisté aux secousses de la terre. Et s'il y a eu des morts à ce stade, il faut se remémorer le précédent de Haïti, où des secousses moins violentes ont provoqué deux cent mille morts. Preuve que l'humanité a les moyens techniques, non pas d'éviter les tremblements de terre, mais d'en limiter les dégâts. Mais les constructions antisismiques, cela coûte cher. Et, en Haïti, ceux qui sont morts le sont du sous-développement du pays et de la pauvreté des hommes. Les constructions antisismiques ne suffisent cependant pas pour résister au déferlement des vagues provoquées par le tsunami. On pourrait en conclure que, malgré ses progrès scientifiques et technologiques, l'humanité est bien faible face au déchaînement des forces naturelles. Ce n'est bien sûr pas faux. L'humanité a émergé de l'histoire des espèces vivantes par sa maîtrise croissante de la nature. Mais c'est un combat incessant qui n'est pas fini et qui ne pourra jamais l'être complètement.
Malgré tout, même dans le combat contre le tsunami interviennent des choix qui ne sont pas que techniques, mais aussi sociaux, voire politiques.
Qui ne se souvient de la tempête Xynthia qui a ravagé les côtes de Vendée ? Le nombre de victimes ne s'explique pas seulement par le déchaînement de la mer, mais aussi par des économies faites sur la construction des digues et par des permis de construire en zones inondables pour des raisons de spéculation immobilière.
À l'heure actuelle, la menace la plus redoutée par la population japonaise vient des centrales nucléaires. Même si le gouvernement japonais et jusqu'aux ministres en France tiennent des propos rassurants, personne n'ose complètement écarter la possibilité d'une catastrophe nucléaire.
Et là, il ne s'agit plus de forces naturelles déchaînées. Il s'agit de forces que l'homme a mises à son propre service. Oh, ce n'est pas l'énergie nucléaire en elle-même qui est en cause ! Une société humaine consciente et responsable de ses actes pourrait développer cette forme d'énergie au fur et à mesure qu'elle la maîtrise. Mais l'inquiétude de la population est d'autant plus légitime que l'économie, la société, ne sont pas dirigées de façon consciente et responsable.
Le Japon a déjà subi une catastrophe nucléaire, avec les bombardements de Hiroshima et de Nagasaki en 1945, qui a fait plus de victimes que le séisme et le tsunami réunis de cette année. Le déchaînement de la nature n'y était pour rien. Une organisation sociale capable d'engendrer des guerres peut tuer aussi par temps de paix.
Pourquoi un médicament conçu pour soigner, comme le Mediator, a-t-il fait des morts ? Ce n'est certes pas la faute des molécules qui le composent. Mais l'objectif ultime des investissements, de la production, de la recherche étant de vendre avec le maximum de profits, cette logique-là a fini par tuer.
Qui peut garantir que les centrales nucléaires n'ont pas été construites dans des endroits où il ne fallait pas ? Qui peut garantir que toutes les mesures de précaution ont été prises ?
Bien sûr, la menace nucléaire est d'une tout autre envergure que celle représentée par d'autres branches industrielles. Encore que... Combien de milliers de victimes dans la catastrophe de Bhopal, en Inde, dont la responsabilité incombe sans le moindre doute à la recherche du profit par le trust Union Carbide ? De façon plus quotidienne, combien de morts dans des accidents du travail aurait-on pu éviter, ce qui n'a pas été fait par mesure d'économies ? Et l'amiante, dont on savait qu'il était gravement cancérogène mais qu'on continuait à produire parce que c'était profitable ?
Et voilà qu'une quatrième menace pèse sur le Japon : celle de l'effondrement de son économie du fait du déchaînement de la spéculation !
Ce sont les mêmes, ce capitalisme responsable de tout cela, qui sont aussi les seuls à décider en matière nucléaire. Et c'est là que réside la menace pour l'humanité. En se débarrassant d'une organisation économique dont le profit est le seul moteur, l'humanité pourrait faire enfin des choix conscients, y compris en matière d'énergie. Cela n'éliminerait pas les catastrophes naturelles, mais cela en limiterait les dégâts. Cela permettrait à l'humanité de se serrer les coudes lorsqu'une catastrophe naturelle ravagerait une des régions de la planète, et de la combattre ensemble.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 14 mars