Des jurés populaires au tribunal correctionnel : Haute justice, basse politique06/01/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/01/une2266.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Des jurés populaires au tribunal correctionnel : Haute justice, basse politique

Depuis le 1er janvier, deux « citoyens assesseurs » siègent aux côtés de trois magistrats professionnels dans les tribunaux correctionnels de Toulouse et de Dijon. Ils sont tirés au sort, comme les jurés d'assises qui s'occupent des affaires les plus graves, bénéficient de quelques heures de formation sur le fonctionnement de la justice, prennent connaissance de l'affaire qu'ils ont à juger lors de l'audience, puis délibèrent et statuent avec les juges professionnels.

Cette « expérience », un terme qui fait froid dans le dos lorsqu'il s'agit éventuellement d'envoyer un prévenu quelques années derrière les barreaux, est la conséquence d'un des accès de démagogie judiciaire coutumiers de Sarkozy. À l'automne 2010, après que des faits divers particulièrement crapuleux eurent été montés en épingle par ses services et les médias qui n'ont rien à lui refuser, le président posa une fois de plus au défenseur des victimes. Et de claironner que « le peuple pourra donner son avis sur la sévérité de la réponse à apporter à des comportements qui provoquent l'exaspération du pays ». Les délinquants récidivistes et les juges qui ne les punissent pas n'auraient qu'à bien se tenir ! Cette salve de déclarations, propositions, engagements, interviews intervenait au moment où se succédaient les manifestations contre la réforme des retraites. Hasard de l'actualité, probablement.

Après quelques mois de mise au point juridique et une rapide discussion au Parlement, l'institution des « citoyens assesseurs » fut votée à l'été 2011, en même temps que le principe de la participation des citoyens au tribunal d'application des peines et la création d'une justice plus rude pour les mineurs délinquants.

Cette réforme n'aura bien entendu aucun effet sur les délinquants. Elle n'en aura sans doute même pas sur les jugements, car rien, si ce n'est les préjugés tordus de Sarkozy, ne dit que des jurés tirés au sort auront la main plus lourde que des juges professionnels. En revanche, elle contribuera à engorger un peu plus les tribunaux et grèvera encore le budget de la Justice, ne serait-ce qu'en obligeant les tribunaux à changer leur mobilier, prévu pour trois et non pour cinq. Ce qui n'a l'air de rien mais est quand même évalué à trente millions d'euros par la Chancellerie...

Sarkozy a tout de même pris des précautions dans sa mise en scène démagogique. Les « citoyens assesseurs » ne participeront en effet pas à tous les procès des tribunaux correctionnels. Ils auront à connaître des délits « qui portent une atteinte particulièrement grave à la cohésion sociale du pays, notamment les violences, les vols avec violence, les violences conjugales habituelles et les agressions sexuelles », mais les infractions du domaine économique et financier, quelle qu'en soit la gravité, resteront du domaine exclusif des juges professionnels.

Pour Sarkozy et ses pareils, le « peuple » peut s'occuper des faits divers de caniveau, sans d'ailleurs pouvoir en empêcher aucun. Mais, même tiré au sort et encadré de professionnels, les affaires des possédants sont des choses trop importantes pour qu'on le laisse s'en mêler.

Partager