Grande-Bretagne : Cameron et l'Europe, un pétard politicien30/01/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/02/une2322.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : Cameron et l'Europe, un pétard politicien

Depuis le temps qu'il s'en vantait par médias interposés, nul ne pouvait ignorer en Grande-Bretagne que le Premier ministre David Cameron allait faire un discours « historique » sur l'Europe. Le 23 janvier, après plusieurs reports et d'interminables spéculations, il a donc fini par faire le discours tant attendu.

Qu'a-t-il eu d'historique ? Nul ne le saura jamais. Sans doute les manchettes de la presse ont-elles retenu la promesse d'un référendum sur l'appartenance britannique à l'Union européenne. Mais ce serait pour... 2017, c'est-à-dire si et seulement si la coalition dirigée par Cameron parvient à se faire réélire aux élections de 2015 -- ce qui est rien moins que certain.

Qui plus est, ce référendum devrait entériner le résultat d'une renégociation sur les rapports entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne. Cette renégociation porterait essentiellement sur la possibilité pour la Grande-Bretagne d'être exemptée de certaines directives, en particulier en matière de droits sociaux et de réglementations financières. Or cela fait longtemps que le gouvernement britannique applique ces directives comme il l'entend, voire ne les applique pas, sans que cela provoque de conflit.

En réalité, les motivations de Cameron n'ont pas grand-chose à voir avec l'Europe. Comme souvent dans le passé, son Parti conservateur se trouve pris au piège de sa propre démagogie. Depuis plus de deux ans, ses ministres répondent au mécontentement suscité par leur politique d'austérité, et par la dégradation de la situation économique, en accusant la bureaucratie de Bruxelles de paralyser l'économie britannique et la crise de l'euro de l'affaiblir. À force, ils ont fini par accréditer auprès d'une partie importante de leur électorat l'idée que sortir de l'Europe serait une façon de sortir de la crise.

Or il existe un parti -- UKIP, le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni -- dont le programme se résume au seul slogan « Quittons l'UE ! » Dans le passé, ce parti a déjà raflé des votes protestataires issus de l'électorat conservateur. Et même si UKIP n'est pas un rival sérieux pour le parti de Cameron, nombre de députés conservateurs craignent qu'en divisant les voix de droite il n'entraîne leur défaite face aux travaillistes, dans un scrutin qui s'annonce serré en 2015. Du coup, ces députés se sont mis à réclamer à cor et à cri que Cameron se montre plus offensif vis-à-vis de l'Europe, pour couper l'herbe sous le pied à UKIP. Et ils ont constitué des fractions dites « euro-sceptiques » à la Chambre des communes, qui regroupent aujourd'hui plus d'un tiers des députés conservateurs, dont neuf ministres.

C'est évidemment pour calmer cette « rébellion » que Cameron a orchestré une mise en scène médiatique autour de ce discours prétendument historique, promesse de référendum incluse.

Mais bien peu de gens ont pu entendre ou ont eu la patience de lire ce discours. Et pourtant ce qu'il avait de remarquable, et qui n'a eu aucun écho dans les manchettes de la grande presse, a été un ton proeuropéen contrastant singulièrement avec le langage habituel de Cameron et de ses ministres.

En fait, il n'y a pas à s'en étonner. Les milieux d'affaires britanniques qui comptent ont pris catégoriquement position contre tout ce qui pourrait relâcher les liens de la Grande-Bretagne avec l'UE. Les deux principaux organes officieux de ces milieux, l'hebdomadaire The Economist et le quotidien Financial Times, ont écrit éditoriaux après éditoriaux sur ce thème. Le Financial Times a publié des lettres ouvertes de grands patrons de la finance, de la grande distribution et de l'industrie britanniques défendant la même idée. Cerise sur le gâteau, le département d'État américain est monté au créneau pour rappeler à la Grande-Bretagne qu'il y allait de l'intérêt général, et surtout de celui de la bourgeoisie américaine, qu'elle reste au sein de l'Europe.

Alors, quoi que puissent en dire les médias, le discours de Cameron n'aura été qu'un pétard démagogique de plus, lancé par un politicien de la bourgeoisie qui, comme tous ses semblables, fera en fin de compte ce que lui dicteront ses maîtres.

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