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Grande-Bretagne : L'austérité booste les profits et frappe le monde du travail
Voilà quelque temps qu'en France des « experts » présentent la Grande-Bretagne comme un « modèle » dont il faudrait s'inspirer, au motif que la politique d'austérité du gouvernement Cameron aurait « sorti le pays de la crise ». C'est ce que Cameron claironne lui-même, d'autant que, les échéances électorales de 2014 (européennes) et 2015 (législatives) approchant, il faut bien que la coalition au pouvoir présente quelque chose qui puisse passer pour un bilan positif. Sauf que les chiffres officiels ne sont là que pour masquer une réalité bien moins avenante.
Ainsi, en fait de retour à l'équilibre budgétaire, l'injection de 450 milliards d'euros de liquidités dans le système bancaire, entre 2009 et le début 2013, n'est pas prise en compte. Pas plus d'ailleurs que le coût du sauvetage bancaire en 2007-2008. Deux grandes banques restent toujours sous perfusion étatique, y compris la deuxième banque britannique, Royal Bank of Scotland, dont les actifs pourris sont phénoménaux.
Dans ces conditions, les chiffres concernant les déficits publics ne veulent absolument rien dire, au point que le gouvernement est lui-même obligé d'admettre que la dette publique va continuer à augmenter en proportion du PIB au moins pendant les deux années à venir.
REPRISE DE LA SPECULATION, PAS DE L'ECONOMIE
Osborne, le ministre des Finances, n'a pas manqué d'annoncer, une fois de plus, sa « reprise » fantôme. Sauf que, dans ce domaine, les chiffres officiels ont une fâcheuse tendance à être révisés à la baisse. D'ailleurs, suivant certaines estimations, le PIB serait aujourd'hui de 7 à 15 % inférieur à ce qu'il était en 2007.
Certes, des postes inclus dans le PIB sont présentés comme étant en croissance : la grande distribution et l'immobilier. Cette croissance est très relative, puisqu'elle est due surtout à l'inflation, qui reste soutenue, et à la hausse de la TVA. S'il y a une augmentation de la consommation des ménages, elle s'exprime seulement en valeur, mais pas en volume. Une des plus grandes chaînes de supermarchés constate par exemple que la consommation de produits frais serait en baisse sur l'année.
Côté immobilier, les prix sont revenus à leur niveau d'avant la crise, voire même les dépassent dans certaines régions. Cette bulle est la conséquence directe d'aides d'État au crédit immobilier, y compris pour les foyers aisés puisque incluant les résidences secondaires.
Parmi les secteurs qui baissent dans le PIB, le plus important est le secteur industriel. La production dans l'industrie serait aujourd'hui 15 % en dessous de son niveau de 2007 et les investissements n'en finissent pas de se réduire, avec 6 % en moins au cours de l'année écoulée.
Ce n'est pourtant pas l'argent qui manque. Selon la Banque d'Angleterre, les entreprises disposent de six fois plus de liquidités qu'au début de la crise, pour un montant total de 600 milliards d'euros. Mais, évidemment, ces centaines de milliards servent à bien autre chose : à la spéculation sur les marchés financiers, d'abord, qui a retrouvé sa frénésie passée, et à remplir les poches des actionnaires, qui ont touché cette année des dividendes 40 % supérieurs à ce qu'ils avaient touché en 2007, pourtant une année record.
LE COUT POUR LA POPULATION LABORIEUSE
Dans son collectif budgétaire, Osborne a confirmé la baisse de l'impôt sur les bénéfices à 20 % en 2015 (contre 28 % en 2010). Il a par ailleurs annoncé la suppression des cotisations patronales pour les moins de 21 ans et doublé le fonds d'aide à l'exportation, à 60 milliards d'euros. Mais, comme il faut bien payer ces cadeaux au patronat, les dépenses de l'État seront de nouveau réduites de 4,5 milliards pour chacune des trois années à venir.
Ces baisses des dépenses ont pour corollaire le gel des salaires et la suppression de centaines de milliers d'emplois publics, la fermeture de services hospitaliers ou encore la suppression croissante des services gratuits d'aide à la personne, tant pour les personnes âgées que pour les handicapés.
Autre mesure annoncée par Osborne : le report progressif de l'âge de la retraite d'État à 70 ans, en 2050. D'ici là, en 2016, cette retraite deviendra uniforme, à 700 euros par mois pour 35 années de cotisation à temps plein. Certains retraités y gagneront un peu mais, par un effet pervers, beaucoup seront en fait perdants, car ils n'auront plus droit à certaines allocations sociales. Qui plus est, vu l'explosion des temps partiels et de l'emploi intermittent depuis le début des années 1990, beaucoup de retraités pourraient bien ne pas avoir les 35 ans de cotisation voulus.
Du côté de l'emploi, les chiffres atteindraient un record historique, aux dires du gouvernement. Qu'importe si ces chiffres ne veulent rien dire, puisqu'il suffit d'avoir fait une heure rémunérée dans la semaine pour être considéré comme « employé » ! Qu'importe aussi si, selon des estimations récentes, cinq millions de travailleurs, en majorité « permanents », ont des contrats « zéro-heure » sans garantie de revenu minimum. Qu'importe enfin si, désormais, 20 % des foyers pauvres ne comportent pas de chômeurs.
L'endettement des ménages est reparti à la hausse, dépassant de loin son niveau de 2007. Sur le marché de la misère, les officines de prêt usurier pour les pauvres se sont multipliées. La plus importante, Wonga, dont les publicités passent en boucle à la télévision, prête un maximum de 480 euros sur une durée de 47 jours au plus, à un taux d'intérêt de 1 % par jour.
En fait, non seulement le revenu des foyers populaires a baissé en valeur réelle (-15 % en moyenne), mais il a même souvent baissé en valeur nominale. Le fait de changer d'emploi signifie presque toujours une baisse de salaire. Dans bien des secteurs, c'est même vrai de travailleurs qui ont conservé leur emploi, mais se sont vu imposer un contrat de travail plus défavorable.
Voilà ce que la bourgeoisie considère comme le « succès » de la politique d'austérité de Cameron : le fait que, à défaut de sortir l'économie de la crise, elle a réussi à augmenter la part du revenu national qu'elle s'approprie en faisant payer la crise aux classes laborieuses.