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Israël - Sharon : Une vie écrite en lettres de sang
Après la mort d'Ariel Sharon le 11 janvier, les mêmes mensonges qui furent énoncés il y a huit ans, au moment où la brute guerrière qu'il était tomba dans un profond coma, refont surface aujourd'hui, mot pour mot ou presque. « L'homme de courage et de paix », célébré alors par Bush, Chirac ou le britannique Blair, est resté « l'homme qui a su se tourner vers le dialogue avec les Palestiniens » (Hollande) ou qui a « pris des décisions courageuses et controversées en vue de la paix » (Cameron). Tous ces éloges hypocrites et bien d'autres encore ne sont nullement partagés par les Palestiniens, qui eurent à subir et qui subissent encore la violence des gouvernants israéliens, dont Sharon fut un des représentants.
UNE SUCCESSION DE CRIMES
En 1953 déjà, Sharon dirigeait une unité, la 101, spécialisée dans des opérations meurtrières, comme celle qui fut perpétrée dans le village de Qibiya et qui causa la mort de 69 Palestiniens. Dans les années 1970, Sharon s'en prit violemment aux combattants palestiniens de la bande de Gaza. Plus de cent d'entre eux furent liquidés. À la même époque, il expulsa des milliers de Bédouins de la région de Rafah, à la frontière avec l'Égypte, détruisant leurs habitations et bouchant leurs puits.
Quand ses fonctions gouvernementales amenèrent Sharon à se consacrer à la colonisation des territoires palestiniens, son zèle fut tel qu'il devint pour beaucoup « l'empereur des colonies ».
Puis vint l'invasion du Liban en 1982, voulue et menée par un Sharon alors ministre de la Défense du gouvernement Bégin. Cette guerre, qui coûta la vie à plus de 15 000 civils libanais et palestiniens, marque encore les mémoires par les tueries de Sabra et Chatila, du nom des deux camps palestiniens où elles se produisirent. Elles furent perpétrées par les phalangistes, milice d'extrême droite libanaise, sous le regard complice du QG de l'armée israélienne qui surplombait la scène des massacres. À l'époque, le médiateur américain Philip Habib eut des mots sans appel à l'égard de Sharon, en déclarant qu'il était « un assassin, animé par la haine des Palestiniens » et en ajoutant : « J'ai donné à Arafat des garanties que les Palestiniens (restant à Beyrouth) ne seraient pas touchés, mais Sharon ne les a pas honorées. Une promesse de cet homme ne vaut rien. » En Israël même, des centaines de milliers de personnes manifestèrent contre la politique de Sharon.
À la fin de l'année 2000, Sharon organisa une provocation sur l'esplanade des Mosquées à Jérusalem. La révolte palestinienne qui s'ensuivit marqua le début de la seconde Intifada. Se présentant comme un recours face au terrorisme qu'il avait lui-même déclenché, il fut élu aux élections législatives de 2001. Commença alors une guerre terrible dans les territoires palestiniens, avec le siège de Jénine et celui de la Muqata de Ramallah où le leader palestinien Arafat fut enfermé des mois durant. De nombreuses villes palestiniennes furent bombardées. Des murs et des clôtures de toutes sortes continuèrent à être érigés, comme l'ignoble « mur de séparation » qui isole aujourd'hui toute la Cisjordanie.
LE RETRAIT DE LA BANDE DE GAZA : TOUT SAUF UN GESTE DE PAIX
Le retrait de la bande de Gaza que décida Sharon n'a en rien contredit sa politique. Cela faisait d'ailleurs bien longtemps que l'éventualité d'un tel retrait était évoquée, car la situation à Gaza était intenable pour l'armée israélienne et il devenait absurde d'y maintenir plus de soldats qu'il n'y avait de colons à protéger. Seulement, aucun des gouvernements précédents n'avait eu le courage politique de procéder à cette évacuation, et surtout pas les gouvernements travaillistes. Qui mieux qu'un dirigeant de la droite nationaliste comme Sharon pouvait faire accepter aux colons une telle décision sans trop de heurts ?
Sharon et ses conseillers expliquèrent que l'évacuation unilatérale de Gaza était une concession mineure. Et surtout ils expliquèrent clairement que le principal allait se jouer en Cisjordanie, où l'évacuation des colonies n'était absolument pas à l'ordre du jour. Et de fait, que ce soit à Jérusalem-Est ou dans les autres grandes zones d'implantation, la colonisation s'est inexorablement poursuivie. Jour après jour, des colonies juives se sont agrandies et de nouvelles ont surgi, par absorption des terres palestiniennes. Des champs ont été saccagés ou volés, pour que soient construites des routes de contournement réservées aux seuls Israéliens. Et si 8 475 colons seulement ont été évacués de la bande de Gaza et de quelques colonies de la région de Jénine, la population des colons de Cisjordanie a augmenté de 15 800 au même moment.
UN HOMME DE PAIX... PAR LA GRACE DES TRAVAILLISTES
L'évacuation de la bande de Gaza, n'aurait certainement pas suffi à donner à Sharon l'image d'un homme de paix si la gauche ne l'avait pas soutenu sans la moindre critique. Ce fut d'ailleurs grâce aux voix des députés travaillistes emmenés par l'actuel président d'Israël, Shimon Pérès, que Sharon put dégager une majorité au Parlement, alors que plus de la moitié des députés de son propre parti ne l'avaient pas suivi, votant même contre le retrait de Gaza.
Ce suivisme s'est encore poursuivi lorsque Sharon, pour ne plus avoir à s'embarrasser d'une opposition au sein du Likoud, claqua la porte de ce parti pour créer Kadima, un parti dit du centre. Il fut aussitôt soutenu dans sa démarche par Pérès.
Et voilà comment, grâce au soutien de quelques-uns, un général de droite, voire d'extrême droite, au passé sanglant, a pu être présenté comme le partisan d'un avenir de paix pour les peuples du Proche-Orient, aussi bien israélien que palestinien. Une véritable mystification !