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Dans le monde
Grèce : l’impasse du réformisme
Nombre de ceux qui ont été solidaires des classes populaires grecques ont été surpris et déçus par la façon dont Tsipras a trahi le non au référendum, puis par sa capitulation. Tsipras s’est fait élire en dénonçant les plans d’austérité et en promettant qu’il protègerait les plus démunis, augmenterait le smic et préserverait les petites retraites. Mais cela n’en fait pas pour autant un représentant des intérêts des exploités. Il ne l’a d’ailleurs jamais prétendu.
Tsipras s’est toujours placé dans le cadre de l’ordre capitaliste. Il n’a jamais contesté la domination de la bourgeoisie, ni même le paiement de la dette, c’est-à-dire le droit des financiers de prélever leur dîme sur son pays. Il cherchait à arracher une marge de manœuvre pour restaurer « la souveraineté » et la « dignité » de son pays. Il revendiquait, comme il l’a encore fait dans sa déclaration du 8 juillet devant le Parlement européen, « le droit de choisir, en tant que gouvernement souverain, de décider où nous concentrerons ou augmenterons le fardeau fiscal ».
Comptait-il pour forcer la main aux représentants européens de la bourgeoisie sur la pression électorale ? Mais la grande bourgeoisie se moque bien d’être désavouée par la volonté populaire ! Elle ne tient pas son pouvoir des urnes, elle le tient de sa mainmise sur les banques, les usines, les chaînes de distribution, sur toute l’économie.
Tsipras a sans doute espéré pouvoir raisonner les créanciers. En effet, les plans d’austérité imposés à la Grèce sont absurdes puisqu’en plongeant le pays dans la récession, ils diminuent sa capacité de rembourser. Las, les représentants de la bourgeoisie en ont profité pour administrer une leçon politique et montrer aux peuples qu’il est impossible de leur désobéir.
Respectueux de la bourgeoisie, Tsipras n’a pas cherché à construire un véritable rapport de force vis-à-vis de la bourgeoisie internationale et grecque. Il n’y a pourtant pas besoin d’être révolutionnaire pour faire payer un tant soit peu la bourgeoisie de son pays. Eh bien même cela, Tsipras ne l’a pas fait. Il n’a, par exemple, pas supprimé l’exemption fiscale dont bénéficient les armateurs grecs et l’Église orthodoxe. Pendant des mois, il s’est refusé à décréter le contrôle des capitaux et a laissé les plus riches sortir des centaines de millions du pays, acculant les banques à la faillite.
Tsipras appartient à cette catégorie de dirigeants de pays pauvres qui ont essayé de desserrer l’étau des grandes puissances dont le représentant le plus déterminé fut Castro. Ce dernier est allé le plus loin dans la résistance à l’impérialisme parce qu’il tenait son pouvoir d’un soulèvement paysan et parce qu’il a pu s’appuyer sur le soutien de sa population mobilisée et sur celui de l’Union soviétique. Mais le choix fondamental d’accepter l’ordre capitaliste fait par Castro n’a pas permis au peuple cubain de se libérer de l’impérialisme comme on le voit aujourd’hui. La tentative de Tsipras, purement éléctoraliste, a conduit à une lamentable capitulation.
Opposer la force sociale des travailleurs au pouvoir du capital
Ce qui se passe en Grèce prouve, une fois de plus, qu’il est illusoire de chercher à concilier les intérêts des exploités avec ceux de la bourgeoisie. En faisant croire qu’il est possible de rendre la domination du capital moins cruelle pour leur peuple, les dirigeants réformistes et nationalistes trompent les exploités. La guerre de classe est féroce et implacable. Et avec la crise, la bourgeoisie ne cédera plus aucune miette sans y être forcée par une mobilisation de masse et un rapport de force qui lui fasse craindre de perdre son pouvoir.
Les classes populaires grecques viennent d’apprendre que même des revendications aussi modérées que le maintien des pensions pour les plus démunis ne seront pas accordées d’en haut. La préservation de leurs intérêts vitaux dépend de leur capacité à se battre. Ce que l’on peut espérer c’est que les exploités grecs n’abandonneront pas leurs revendications sur leurs conditions de vie et qu’ils n’accepteront pas les nouveaux reculs que le gouvernement Tsipras veut leur imposer.
Mais au-delà de cette nécessité vitale, il faut que les travailleurs en Grèce comme ailleurs fassent naître une force politique prête à défendre les intérêts de classe des exploités, à commencer par la nécessité d’avoir un emploi, un salaire et une retraite décente. Une force politique qui ne trompe pas les opprimés en mettant en avant des mots d’ordre prétendument radicaux qui ne font pas avancer d’un pouce la situation matérielle des exploités – et l’annulation de la dette ou de la sortie de l’euro prônées de plus en plus par la gauche réformiste française sont à ranger dans cette catégorie.
Un parti politique qui ne cherche pas à composer avec la bourgeoisie mais qui se donne pour but de la renverser, car c’est en ayant la perspective de la suppression de la propriété privée des moyens de production et de l’exploitation que les travailleurs sauront mener les combats, y compris partiels, qui sont devant eux.