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Leur société
Macron et le nationalisme : les deux faces de la médaille
Mardi 5 mars, Macron a publié un appel aux citoyens européens, traduit simultanément dans toutes les langues officielles de l’Union. Moins de trois mois avant le scrutin, cette tribune constitue l’entrée en campagne du président et de la liste, pour l’instant sans tête, de son parti en vue de l’élection au Parlement européen.
Macron se pose en défenseur de l’Union européenne, et même de la civilisation, contre les nationalistes de tout crin qui voudraient la détruire. Il vise, sans les nommer, Le Pen en France, Salvini en Italie, Orban en Hongrie et les autres, puisque presque tous les pays membres de l’UE ont vu naître un parti d’extrême droite candidat aux responsabilités gouvernementales. Certains sont même déjà arrivés au pouvoir.
Macron tente d’expliquer ces progrès de l’extrême droite par la multiplication des fausses informations, donnant comme exemple la campagne politique qui a mené au Brexit. C’est un peu court car, si les nationalistes mentent bien comme des arracheurs de dents, ils spéculent sur des réalités comme le chômage et la dégradation générale des conditions de vie, dont Macron ne souffle mot.
Il a donc recours à une fausse information de la plus belle eau, décrivant contre toute évidence l’UE en protectrice des droits sociaux. Sa seule proposition en matière sociale consiste en la mise en place d’un « salaire minimum européen, adapté à chaque pays et discutable tous les ans ». Si le salaire est différent dans chaque pays, on ne voit pas en quoi il serait européen ni ce que cela peut bien changer. Mais c’est évidemment le même président qui a refusé d’augmenter le seul salaire minimum qui soit de son ressort, le smic, et qui, sans discussion mais avec la bénédiction de tous les patrons, le maintient à un niveau qui ne permet pas de vivre.
Sur le plan politique, encouragé par ce que les commentateurs appellent le succès du grand débat, Macron propose d’en étendre le procédé à l’échelle continentale, sans plus de conséquences réelles évidemment qu’à l’échelle nationale.
Pour le reste, Macron se contente d’aligner les phrases habituelles sur l’Europe : elle doit être démocratique, écologique et de progrès. Malgré tout, ce prétendu paradis démocratique doit fermer ses frontières aux migrants, qui peuvent bien se noyer en Méditerranée. L’Europe doit accroître les capacités de sa police, de sa douane, surveiller les frontières, etc. Tout cela existe déjà, certes, mais insister encore et toujours peut rapporter quelques voix à droite. Surtout, seul point concret et faisant l’objet de négociations constantes, l’UE doit selon Macron augmenter son budget militaire, constituer une défense commune et, on le comprend entre les lignes, permettre à ses marchands de canons de faire pièce à la concurrence internationale. Il n’est pas besoin de gratter longtemps le politicien pour découvrir le représentant des fabricants d’armes.
Il y a bien longtemps que le cadre des frontières nationales telles que l’histoire les a léguées est dépassé. Il est dépassé pour l’économie qui s’organise à l’échelle mondiale et il est aussi dépassé pour les peuples. C’est ce qui a contraint les dirigeants européens à mettre en place l’Union européenne. Mais, au-delà des discours, cette Union se réduit en fait à un marché un peu unifié destiné à permettre aux grands groupes capitalistes de travailler à l’échelle d’un continent. Ces grands groupes tiennent à ce marché unique européen et Macron se veut leur avocat. Mais la situation économique, le fait que le capital maintient ses profits en abaissant le niveau de vie des travailleurs, les tensions politiques que cela engendre, fissurent l’édifice qu’ils ont laborieusement construit. Le Brexit comme l’émergence des partis d’extrême droite dans les pays de l’Union sont des conséquences de cette impasse, en aucun cas un espoir pour les travailleurs d’en sortir.
Devant ces fissures, Macron se présente en sauveur de l’Union contre les nationalistes qui voudraient les élargir. Mais l’Union dont il parle, et à laquelle les nationalistes s’adaptent dès qu’ils arrivent aux affaires, reste celle du grand capital. Les véritables ennemis des travailleurs, derrière les politiciens et leurs discours mensongers, sont les capitalistes qui, unis comme séparés, aidés par Macron comme par Salvini ou comme ils le seraient par Le Pen, leur font durement payer la sauvegarde du profit.
Les travailleurs d’Europe, et bien au-delà, sont une seule classe sociale. Ils ont besoin de leur unité à l’échelle du continent et du monde pour abattre les frontières, les États et toutes les béquilles qui tiennent encore debout un système capitaliste dépassé. Cette unité se fera autour de la lutte pour leurs intérêts de classe, contre les Macron comme contre les Salvini et leurs semblables.