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- Lutte ouvrière n°2861
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Le 28 mai : Le 28 mai : “Faire revivre une conscience de classe internationaliste”
Un mot caractérise les relations internationales actuelles, c’est le mot « guerre », avec tout ce qu’il implique de souffrances, de morts et d’horreurs. La guerre est le lot habituel et dramatique pour de nombreux pays d’Afrique. Elle a redémarré au Soudan. Le Sahel est gangrené par un état permanent de guerre civile. Il en est de même pour l’Afghanistan, le Pakistan, la Birmanie. Au Moyen-Orient, la colonisation de la Palestine par Israël, avec les réactions de défense qu’elle soulève, pourrait être qualifiée de guerre de Cent Ans. Depuis un an et demi, la guerre ravage aussi l’Ukraine. […]
Toutes ces guerres se mènent sur fond d’une autre guerre : la guerre de classes. C’est précisément parce que les grands groupes capitalistes se livrent une guerre économique féroce qu’ils s’attaquent partout à la condition ouvrière, aggravent l’exploitation, la précarité, les inégalités et la misère. Des millions de travailleurs de par le monde sont soumis à des situations dignes de l’esclavage. Dès qu’ils tiennent sur leurs deux jambes, des enfants sont mis au travail au Congo, au Bangladesh, en Turquie…
Près d’un milliard de femmes et d’hommes sont en situation de malnutrition dans le monde, et ce sont tous des femmes et des hommes qui travaillent, récoltent ou vendent ce qu’ils peuvent ! Eux aussi sont victimes de la guerre que mène la classe capitaliste pour ses profits, sa rentabilité, ses cours boursiers, ses sinécures.
Un des aspects les plus révoltants de cette guerre de classe, c’est la guerre menée à l’échelle de la planète toute entière contre les femmes, les hommes et les enfants qui ont été forcés de quitter leur pays.
Ce ne sont pas seulement des frontières administratives, des murs, des barbelés, des camps et des prisons qui sont dressés contre ces femmes et ces hommes. Ce sont des marines de guerre, des bataillons de policiers, des forces équipées de moyens militaires : radars, drones, hélicoptères…
Sous une forme ou sous une autre, la guerre est omniprésente, parce qu’elle est au cœur même du système capitaliste. […] Alors, camarades et amis, il n’y a pas de petit coin de paradis épargné par le système capitaliste. Il n’y a pas d’échappatoire durable à la folie de ce système. Le mieux que nous ayons à faire, c’est de comprendre les causes et les mécanismes qui mènent à ces guerres et c’est de nous donner les moyens d’y faire face pour assurer un avenir à l’humanité.
" Le capitalisme porte en lui la guerre, comme la nuée porte l'orage "
[…] Le monde entier est transformé en arène où les grandes puissances rivalisent dans une guerre économique de tous les instants.
Qui contrôle ou contrôlera, demain, telle ou telle chaîne de production, telle ou telle matière première, tel ou tel procédé de fabrication ? Qui va avoir accès à l’énergie au coût le plus faible ? Qui aura accès à l’eau, aux terres les plus fertiles ? Le pétrole, le gaz, les satellites, les semi-conducteurs, les métaux rares, le numérique… tout est l’objet de rapports de force, de chantages, de rapines et de domination. [...]
Si les trafiquants de drogue mènent leur guerre économique avec des kalachnikovs, la grande bourgeoisie a beaucoup mieux : elle dispose de son gouvernement et d’un appareil d’État qui peut faire jouer sa puissance diplomatique et, au besoin, son état-major et son armée.
Voilà pourquoi nous vivons, de nouveau, sous la menace d’une guerre généralisée. Un siècle après la Première Guerre mondiale, quatre-vingts ans après une Deuxième Guerre mondiale ! Voilà pourquoi le combat contre le système capitaliste est en train de devenir une nécessité pour la survie de l’humanité ! […]
Il n’y a pas de signal indiscutable qui nous indiquerait que les dirigeants du monde capitaliste ont fait le choix de la marche à une nouvelle guerre mondiale. Mais ils marchent sur la corde raide en s’engageant toujours plus aux côtés de l’Ukraine contre la Russie. […]
Face à cette situation, tous les pays se préparent à la guerre. Ils s’entraînent même déjà, puisque l’Ukraine est devenue le champ de manœuvre sur lequel toutes les grandes puissances testent leurs armes, avec la peau des Ukrainiens et des soldats russes ! Et tous se réarment à marche forcée et passent à une économie de guerre.
En France, Macron a porté la loi de programmation militaire à 413 milliards d’euros. En deux lois de programmation militaire, ce budget aura doublé en France ! En Allemagne, le gouvernement a débloqué 100 milliards d’euros pour procéder au réarmement du pays. Le Japon, qui a pourtant officiellement renoncé à la guerre selon sa Constitution, va doubler son budget militaire d’ici 2027, sous la pression américaine et parce qu’il est voisin de la Chine. Et, champion du monde toutes catégories, il y a évidemment les États-Unis, avec plus de 800 milliards de dollars chaque année. La Chine, présentée comme l’agresseur et la menace mondiale, arrive loin derrière, avec 300 milliards.
L’an dernier, à l’échelle du monde, plus de 2 200 milliards de dollars ont été consacrés aux dépenses miliaires. C’est cent fois la somme nécessaire pour électrifier entièrement l’Afrique subsaharienne, cent fois la somme nécessaire pour éradiquer la tuberculose, le sida et le paludisme d’ici à 2030.
Leur guerre n’est pas la nôtre
[...] La population ukrainienne est devenue, à son corps défendant, l’instrument et la victime d’une rivalité qui la dépasse. Les villes bombardées et détruites, les familles vivant dans des caves ou au milieu des ruines, les soldats se terrant dans des tranchées boueuses, toutes ces morts et ces souffrances engendrées par l’invasion de l’armée russe ne peuvent laisser indifférent. Et on ne peut que se sentir humainement solidaire de cette population qui endure tant de souffrances depuis plus d’un an.
Mais, pour que le peuple ukrainien soit sauvé, on ne peut pas s’en remettre aux puissances impérialistes occidentales. Ce n’est pas pour les beaux yeux des Ukrainiens que les États-Unis et l’Union européenne aident aujourd’hui l’Ukraine contre l’invasion de Poutine !
De l’Algérie à l’Indochine, du Vietnam à l’Irak, du Rwanda à l’Afghanistan, leurs interventions étrangères, même quand elles étaient drapées de considérations humanitaires, ont toujours eu pour but de défendre leurs intérêts, jamais ceux des peuples. Aujourd’hui, au Mali et au Burkina Faso, les troupes françaises ressemblent si peu à des libératrices qu’elles sont rejetées par la population. Et combien de fois l’armée américaine est-elle intervenue au Moyen-Orient ?
Qu’est-ce qu’ils ont apporté en Irak et en Libye, si ce n’est la destruction et la décomposition de ces deux pays ? Qu’est-ce qu’ils ont apporté en Afghanistan, sinon plus de misère et une immense déception de la part des femmes et de ceux qui avaient placé leurs espoirs dans la puissance américaine ?
C’est une réalité que Poutine tente d’exploiter en se présentant comme le champion de la lutte anti-impérialiste. Mais il représente la même politique d’oppression et de domination.
Les Poutine, les Xi Jinping, les Biden, Macron et Cie représentent des camps rivaux. Mais contre les travailleurs et les plus pauvres, ils forment un front uni. Dans la guerre de classe, ils sont tous du côté des capitalistes, des pilleurs et des exploiteurs ; du côté des oligarques, pour ce qui est de Poutine ; du côté des nouveaux capitalistes pour ce qui est de Xi Jinping, et du côté des plus grands financiers de la planète pour ce qui est de Biden. Alors ne nous laissons embrigader ni dans un camp ni dans un autre !
En 1915, en pleine Première Guerre mondiale, Lénine proposait aux travailleurs de s’adresser ainsi à leurs dirigeants :
« Vous, les bourgeois, vous faites la guerre pour le pillage ; nous, les ouvriers de tous les pays belligérants, nous vous déclarons la guerre, la guerre pour le socialisme ! »
Gardons tout cela en tête. Parce que si le capitalisme condamne l’humanité aux guerres, l’humanité, elle, n’est pas condamnée au capitalisme ! Une autre société est possible : une économie débarrassée de la propriété privée, du marché, de la concurrence et de la loi du profit ; une société basée sur la propriété collective des moyens de production et organisée démocratiquement pour répondre aux besoins de tous à l’échelle internationale ; une économie sans rapports d’exploitation entre les hommes, sans rapport de domination entre pays. Alors, les mots de coopération, d’entraide et de solidarité internationale prendront leur véritable signification et il en sera fini de toutes ces guerres fratricides !
Les opprimés ont montré des dizaines de fois qu’ils n’acceptent pas éternellement de subir. Ils se battent avec les moyens qu’ils trouvent, mais ils ne cessent de se battre. Cette année, la révolte en Iran, partie des femmes et portée par toute la jeunesse montre qu’il arrive toujours des moments où la révolte est plus forte que la peur. Des moments où l’action et la témérité de quelques-uns en encouragent d’autres et conduisent des centaines, des milliers, des millions à oser faire ce qu’ils n’imaginaient même pas quelques jours avant ! Mais il faut plus que du courage pour transformer les révoltes en révolution victorieuse.
Reconstruire une Internationale
[…] À chaque fois, ce qu’il a manqué, c’est que les masses révoltées imposent leur politique, parviennent à s’organiser et à faire émerger leur propre direction pour établir un pouvoir populaire et ouvrier.
Dans le passé, il a fallu des dizaines d’années de révoltes ouvrières, souvent noyées dans le sang, pour que les travailleurs comprennent qu’il leur fallait construire leur propre direction politique, c’est-à-dire leur propre parti ; et qu’ils devaient les construire avant la tornade révolutionnaire pour ne pas se retrouver une énième fois, impuissants face aux événements. C’est à partir de cette expérience vivante du mouvement ouvrier que des générations d’ouvriers et de jeunes intellectuels révoltés, comme Marx ou Engels, comme Lénine, Rosa Luxemburg ou Trotsky, s’attelèrent à la tâche de construire des partis communistes révolutionnaires dans tous les pays et de les rassembler en une Internationale, conçue pour être un parti mondial de la révolution.
C’est ce qui a été perdu et qu’il faut reconstruire aujourd’hui pour que l’immense courage et combativité des opprimés débouchent sur des victoires et refassent à nouveau tourner la roue de l’histoire en avant ! Oui, ce qu’il faut reconstruire, ce sont non seulement des partis révolutionnaires, mais une Internationale.
La vision nationaliste, consistant à analyser telle ou telle situation à l’échelle nationale et à chercher des solutions pour son propre pays, est complètement dépassée. Le capitalisme s’est déployé à l’échelle de la planète, il a fondu l’humanité et les exploités dans un sort commun et il pose désormais les problèmes à l’échelle de la planète. […] C’est sur la base de cette interdépendance, sur la base de la concentration des moyens de production et des gains de productivité qui en découlent que l’on peut envisager une société capable de subvenir aux besoins vitaux de toute l’humanité.
Alors, mettons en commun les immenses moyens de production que l’humanité a développés, les multinationales, les satellites, les compagnies maritimes ! Gérons rationnellement à l’échelle mondiale les ressources énergétiques ou les matières premières comme des biens communs à tous ! Faisons travailler ensemble, à l’échelle de la planète, les chercheurs, levons les brevets et tous les droits de propriété qui freinent le progrès ! Faisons circuler les idées et la culture sans obstacle ! Permettons à tous, et plus seulement aux riches de voyager. Voilà qui ferait faire un bond en avant à toute l’humanité !
La bourgeoisie a mondialisé l’économie à sa manière, sauvage, barbare parce que son seul objectif était, et demeure, la recherche du profit pour une petite minorité. Aux travailleurs de la transformer en un monde égalitaire, riche de toutes les cultures… C’est le sens du communisme ! Ce mot a été dévoyé, caricaturé par bien des dictatures à commencer par la dictature stalinienne. Mais il représente l’idéal le plus beau qui soit : les États-Unis socialistes du monde !
À l’assaut du pouvoir de la bourgeoisie
Notre sort, notre émancipation dépend de notre capacité à faire revivre la conscience de classe ; la conscience d’avoir à se battre avec tous nos frères d’exploitation contre les exploiteurs ; cette conscience de classe ne peut donc être qu’internationaliste !
[…] Nous n’avons jamais été aussi entremêlés. La classe ouvrière des pays impérialistes n’a jamais été aussi internationale. En France, aucune entreprise, aucun hôtel, aucun restaurant, aucun chantier, aucun hôpital, aucun Ehpad ne fonctionnerait sans le travail quotidien de millions de travailleurs étrangers. Cette année, le meilleur boulanger de Paris s’appelle Tharshan Selvarajah, il est tamoul du Sri Lanka ! En 2021, il était d’origine tunisienne, tout comme Taieb Sahal, le vainqueur de 2020…
Et il suffit de monter dans un métro ou dans un RER vers les 6 heures du matin pour rencontrer des travailleurs du monde entier.
Quand on appartient à la classe ouvrière, que l’on soit algérien, marocain, pakistanais, russe ou ukrainien ou français, on est exploité. Alors, entre nous tous, il ne faut pas de frontières ![ …] À toutes les haines nationalistes ressassées, au racisme et aux préjugés sexistes, opposons notre conscience d’appartenir à la même classe sociale, opposons la conscience que tous les combats menés par les travailleurs, quel que soit le pays où ils se déroulent, sont aussi notre combat, opposons la conscience qu’un jour nous monterons, ensemble, à l’assaut du pouvoir de la bourgeoisie !