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Dans le monde
Congo : minerais de sang pour les trusts
Dans le Nord-Kivu, en République démocratique du Congo, sept millions de personnes ont dû quitter leur ville pour s’enfuir toujours plus loin. Depuis trente ans la guerre n’a pas cessé dans cette région.
Le conflit s’est encore intensifié ces derniers mois, mettant aux prises l’armée congolaise et le groupe rebelle M23 soutenu par le Rwanda. La France porte une responsabilité écrasante dans la genèse de cette interminable guerre. En 1994, après avoir soutenu et armé le gouvernement génocidaire rwandais, l’armée française avait protégé la fuite au Congo des milices hutus qui venaient de massacrer 800 000 Tutsis. Celles-ci y prirent le contrôle des camps de réfugiés et s’attaquèrent aux populations locales d’origine tutsi, suscitant en retour la création de groupes d’autodéfense. Ce furent les prémisses des deux guerres du Congo. En 1996 l’armée rwandaise, alliée à celle de l’Ouganda, pénétrait dans le pays, marchait sur la capitale Kinshasa et y renversait le dictateur Mobutu. Deux ans plus tard, le nouveau dictateur, Laurent Désiré Kabila, procédait à un changement d’alliances et provoquait ainsi une nouvelle guerre, mettant cette fois aux prises les armées de sept pays africains et une multitude de groupes armés, faisant des millions de morts dans la population.
Malgré une paix officiellement signée en 2002, la guerre n’a jamais cessé dans la région du Nord Kivu. Le M23 a de lointaines origines parmi les Tutsi qui après 1994 se défendaient contre les génocidaires hutus mais, après avoir été un temps intégrés dans l’armée congolaise, puis s’être mutinés, ses membres ne sont plus depuis longtemps qu’une bande de prédateurs alliée au Rwanda. L’armée congolaise est pour sa part appuyée par des milices dites Wazalendo, formées à l’appel du président congolais Tshisekedi pour prétendument « se défendre contre l’invasion étrangère ». La population est prise entre ces bandes armées qui font régner la terreur, et les habitants terrorisés ne savent plus où se réfugier. Beaucoup de fuyards ont pris le chemin des camps installés en Ouganda, en si grand nombre que les organisations humanitaires n’ont plus aujourd’hui de quoi les nourrir. D’autres se sont réfugiés à Goma, la capitale régionale encerclée par le M23, mais ne trouvent là aucune sécurité, en butte aux exactions des soldats congolais et des wazalendos.
Derrière cette guerre sans fin, il y a les richesses minérales de la région. Le Nord-Kivu contient 80 % des réserves mondiales de coltan, ce minerai indispensable à la fabrication de smartphones et d’ordinateurs, et regorge d’autres richesses minérales. Les multinationales, les États africains et les bandes mafieuses se ruent dessus. 40 000 enfants, les creuseurs, travaillent dans des trous de mine. Ils sont attendus à la sortie par les hommes d’une centaine de groupes armés travaillant de concert avec les armées rwandaise, congolaise ou ougandaise. Tous sont prêts à se battre à mort et à massacrer la population pour s’approprier ce pactole. Mais au bout de la chaîne, une fois tous ces intermédiaires locaux rémunérés, le produit aboutit sur la table des grands trusts mondiaux.
L’Union européenne a ainsi signé le 19 février dernier un accord de coopération avec le Rwanda sur les matières premières, en particulier le coltan, alors que ce pays n’a pas un gramme de ce minerai dans son sous-sol et que tout ce qu’il peut exporter provient du Kivu. Les trusts s’enrichissent ainsi grâce au travail des creuseurs, ce qui n’empêche pas les dénonciations hypocrites de l’Union européenne contre les crimes perpétrés au Congo.
Au Kivu, les groupes armés et les militaires des pays africains ne sont que le visage de l’exploitation capitaliste.