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- Lutte ouvrière n°2947
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Article du journal
Mayotte
quelle rentrée scolaire ?
Les autorités affirment que la rentrée scolaire des 117 000 élèves de Mayotte aura bien lieu lundi 27 janvier. Il s’agit d’un effet d’annonce car près de 39 écoles et cinq lycées et collèges sont complètement hors d’usage à la suite du cyclone Chido, auxquels s’ajoutent tous les autres bâtiments endommagés.
Alors qu’il est incapable de gérer la crise, le recteur a appelé les enseignants qui reprenaient le travail lundi 20 janvier à « s’adapter et être créatifs »… De son côté, le rectorat est plus que créatif en matière de mesures qui ne servent à rien. Il a ainsi annoncé des rotations de classe dans les bâtiments encore debout, ce qui consiste à utiliser la même classe pour faire cours à certains le matin, et à d’autres l’après-midi. Mais ce système est déjà largement utilisé à Mayotte, où il manquait environ 1 200 salles de classe avant Chido. Cela va donc diminuer encore le temps d’enseignement. Ainsi, dans la banlieue de Mamoudzou, trois écoles vont devoir se partager le même bâtiment, chacune ne pouvant disposer que de trois heures par jour pour ses élèves.
Le recteur a aussi évoqué de faire école sous des tentes. Cela risque vite d’être invivable alors que les températures dépassent fréquemment 30 degrés et que la saison de la mousson a débuté, avec ses pluies torrentielles. Dernièrement, le rectorat a aussi parlé de « cours à distance », via des émissions diffusées sur la chaîne de télévision locale, inaccessible aux familles des bidonvilles qui n’ont toujours pas l’électricité.
La seule mesure annoncée qui sera réellement appliquée sera de faire « au cas par cas ». Et on sait que cela signifie une discrimination sociale. Ainsi deux écoles privées qui accueillent les enfants des familles aisées ont déjà rouvert leurs portes. Par contre, les écoles des quartiers les plus pauvres, qui étaient déjà laissées à l’abandon avant Chido risquent bien de ne rouvrir qu’en dernier, si elles rouvrent un jour.
Face à cette situation catastrophique, les politiciens locaux continuent de faire de la surenchère anti-immigrés. Ainsi, lors de l’examen du projet de loi de reconstruction de Mayotte, les 14 et 15 janvier, la députée Estelle Youssouffa a affirmé qu’avec d’autres élus locaux elle s’opposerait à la construction de nouvelles écoles à Mayotte, sous prétexte que cela créerait un « appel d’air » pour l’immigration. Elle révèle ainsi son mépris contre toutes les classes populaires de l’île, françaises ou non, avec ou sans papiers. Car pendant que les enfants de riches pourront bénéficier de bonnes conditions d’études, voire seront envoyés à La Réunion ou dans l’hexagone, ce sont les enfants de travailleurs qui se retrouveront dans des classes surchargées ou avec des cours intermittents ou limités faute de bâtiments pour les accueillir.
Ces propos xénophobes trouvent des relais parmi les militants des Collectifs citoyens qui s’illustrent depuis longtemps par leurs actions anti-immigrés. Dernièrement, ils ont manifesté devant le lycée Bamana de Mamoudzou pour exiger le départ des réfugiés africains qui s’y abritaient depuis Chido, au prétexte qu’ils empêchaient la rentrée d’avoir lieu. Vendredi 17 janvier, les collectifs s’en sont pris directement à eux, jetant leurs affaires sur le trottoir. Puis le 20 janvier, c’est finalement la police qui a expulsé ces hommes, femmes et enfants. Certains se sont retrouvés à la rue. Plusieurs centaines ont été regroupés dans le gymnase d’un collège de l’île.
Laisser ces réfugiés et les immigrés devenir les boucs émissaires des problèmes de la rentrée scolaire arrange bien l’État, qui est incapable de répondre aux besoins de la population, aussi bien pour l’eau, la nourriture ou la reprise de l’école. Refuser ce piège de la division est un enjeu vital pour les travailleurs de l’île.