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Mali : Un nouveau président pour un régime inchangé
Ibrahim Boubacar Keïta a été élu président du Mali le 11 août. Le gouvernement français, qui dicte leur politique aux autorités de Bamako, avait établi un calendrier accéléré, passant outre les difficultés matérielles que le scrutin présentait.
Les 175 000 Maliens, toujours réfugiés dans des camps au Niger, au Burkina Faso ou en Mauritanie, n'avaient pas pu voter au premier tour. Qu'importe pour les dirigeants français, la priorité était de rétablir au Mali un régime ayant une légitimité électorale, capable de justifier son intervention militaire et celle de l'ONU. Mais pour la population, le fait qu'un président par intérim, mis en place par Paris au lendemain du putsch de mars 2012, soit remplacé par un président élu tout aussi dévoué aux intérêts de l'impérialisme français ne change strictement rien. La personnalité du nouveau président ne laisse d'ailleurs aucun doute à ce sujet.
Ibrahim Boubacar Keïta a été Premier ministre de 1994 à 2000, sous la présidence d'Alpha Oumar Konaré. Son gouvernement s'illustra dans la répression des révoltes étudiantes, dont il mit les dirigeants en prison. Il y eut alors des morts et des blessés parmi les étudiants et les élèves qui réclamaient le paiement de leurs bourses. Toujours sous ce même gouvernement, la situation économique suite à la dévaluation du franc CFA était devenue catastrophique. Tous les prix des denrées alimentaires avaient doublé, voire triplé, tandis que les salaires n'étaient pratiquement pas augmentés. Lorsqu'Alpha Oumar Konaré fut remplacé à la présidence par Amadou Toumani Touré, de 2002 à 2012, Ibrahim Boubacar Keïta resta dans les allées du pouvoir. Il fut président de l'Assemblée nationale pendant cinq ans, de 2002 à 2007, en remerciement de son ralliement au nouveau président. Il est donc lié à tout le système mis en place par celui-ci, et qui a finalement abouti à la déliquescence totale de l'État malien, rongé par la corruption à tous les niveaux. Il faut dire que l'adversaire d'Ibrahim Boubacar Keïta dans les élections qui viennent de se dérouler ne valait pas mieux puisqu'il fut son ministre des Finances. Tel est le type de dirigeant que les élections, diligentées par le gouvernement français, ont mis, ou plutôt ramené au pouvoir.
Une fois le nouveau président élu, les négociations avec les représentants des Touaregs doivent maintenant commencer dans un délai de 60 jours. Lors des accords de Ouagadougou signés le 18 juin, il avait simplement été décidé de remettre à plus tard, après les élections, le règlement de la question du nord du Mali. Les groupes armés des indépendantistes du MNLA n'ont pas été désarmés, mais ont simplement accepté de ne pas sortir de leurs cantonnements. De son côté, l'État malien n'a toujours pas apporté de réponse aux revendications des Touareg en matière d'autonomie et de développement de leur région, et rien de ce qui a été dit pendant la campagne électorale ne permet d'affirmer que le nouveau président ira plus loin. Ibrahim Boubacar Keïta a même déclaré avant d'être élu que les accords de Ouagadougou ne l'engageaient pas totalement, puisqu'il ne les avait pas signés.
Trois milliards de dollars d'aide internationale devraient arriver dans les caisses de l'État malien maintenant que les élections ont eu lieu, mais encore faudrait-il qu'ils soient utilisés à améliorer le sort de la population, au nord comme au sud, et ne soient pas détournés pour enrichir les clans dirigeants, comme ce fut le cas à maintes reprises.
Au lendemain de ces élections, le gouvernement français peut se déclarer satisfait. Mais la population du Mali, elle, n'a rien à attendre du nouveau dirigeant dont tout montre, à commencer par son passé, qu'il sera avant tout préoccupé de servir les possédants, en premier lieu l'impérialisme français, et au passage de se servir eux-mêmes.