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- Lutte ouvrière n°1687
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Leur société
11 novembre 1918 : La "der des der" ne fut pas la dernière
Le 11 novembre 1918, les armes se turent pour la première fois depuis quatre ans sur l'ensemble des fronts de ce qu'on a appelé depuis la Première Guerre mondiale.
Ceux qui essayaient d'atténuer l'amertume des poilus expliquaient que ce serait la dernière, la " der des der ". L'expression fut reprise par tous ceux qui en avaient assez de cette guerre et qui n'aspiraient qu'à une chose, la paix.
Le prétexte de ce gigantesque affrontement fut, en juin 1914, l'assassinat d'un archiduc autrichien, héritier du trône impérial, par un nationaliste serbe. L'Autriche-Hongrie envahit la petite Serbie voisine. Le jeu des alliances entre les puissances impérialistes concurrentes fit le reste. La Russie et son alliée, la France, prétendant voler au secours de la Serbie, puis l'Angletere affirmant défendre la Belgique, neutre, envahie par l'Allemagne, alliée de l'Autriche, entrèrent en guerre à leur tour. Plus tard, l'Italie, la Roumanie, la Grèce, le Portugal, la Chine et le Japon, enfin les Etats-Unis, se joignirent à la France et à l'Angleterre. La Turquie et la Bulgarie se rangeant aux côtés de l'Allemagne et de l'Autriche.
Cette guerre devenait alors mondiale. Mais derrière les armées qui se heurtaient, derrière ces massacres à grande échelle, il y avait la compétition entre puissances qui aspiraient chacune à prendre la plus grande part possible dans la distribution des richesses mondiales. C'est pour cela que l'on a fait s'entre-tuer des millions d'hommes.
Des millions d'hommes de toutes les origines et de tous les continents y furent engagés. Dès les premiers mois, il fut clair que, loin d'être courte et joyeuse comme le clamaient les journaux à la botte des gouvernements, elle serait longue et douloureuse, une véritable boucherie humaine. Rien qu'entre août et octobre 1914, quand les armées s'enterrèrent dans les tranchées, il y eut 200 000 morts ! De février à juin 1916, à Verdun, bataille qui devait devenir synonyme de la guerre elle-même, 250 000 hommes tombèrent. Ce macabre record devait être battu. En avril 1917, le général Nivelle lança une offensive au Chemin-des- Dames dans des conditions invraisemblables. Trois semaines plus tard, le front n'avait pas bougé d'un pouce mais on releva 271 000 morts français et 163 000 allemands. Des régiments français au repos refusèrent de remonter en ligne. Des mutineries éclatèrent. Les soldats réclamaient l'arrêt des offensives meurtrières et inutiles et l'octroi de permissions, beaucoup aussi chantaient L'Internationale, criaient " à bas la guerre ", " vive la paix ", " vive la révolution sociale ", " faisons comme les Russes ". Un mois plus tôt, en effet, des grèves et des manifestations d'ouvrières avaient eu lieu à Pétrograd... La révolution russe commençait. Le général Nivelle fut destitué. Pétain, " le vainqueur de Verdun ", le remplaça. Par des exécutions " pour l'exemple ", il fit peu à peu cesser ces mouvements. " J'ai maté 2 millions d'hommes, en en fusillant moins de cinquante ", se vanta-t-il.
Ces mutineries, peu connues de l'opinion et heureusement rappelées par la rediffusion récente d'une émission de télévision qui leur était consacrée, témoignent du rejet par les peuples de la politique belliciste des gouvernements des Etats impérialistes. Les ouvriers et les soldats, ouvriers et paysans sous l'uniforme, surent, après avoir subi trois ou quatre années de guerre et malgré la trahison des chefs des partis socialistes et des syndicats, qui soutinrent et participèrent au gouvernement de leur bourgeoisie, retrouver le chemin de la lutte et de l'internationalisme. En Russie d'abord, puis en Allemagne, où les mutineries dans la marine de guerre, les grèves et les manifestations des ouvriers berlinois chassèrent l'empereur et contraignirent la bourgeoisie et l'état-major à solliciter un armistice auprès des puissances ennemies. C'était la conclusion d'une guerre qui assassina 1 950 000 Allemands, 1 700 000 Russes, 1 400 000 " Austro-Hongrois " et autant de Français.
La guerre entre impérialistes à engendré la légitime révolte de ceux qui ne voulaient plus se faire trouer la peau au prétendu nom de la patrie alors qu'ils mouraient pour les intérêts des industriels et des banquiers. Ce furent des révolutions, qui triompha en Russie et fut à deux doigts de le faire en Allemagne. Mais la paix qui suivit, paix que les brigands capitalistes vainqueurs imposèrent aux brigands capitalistes vaincus, mais surtout à leurs peuples, mit en place les conditions et le cadre de la Deuxième Guerre mondiale. Tant il est vrai, comme le proclamait Jaurès, que " le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage ".